Chapitre 33

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Éléa

Après un repas en demi-teinte lors duquel Nolann n'a pas dû échanger plus de deux mots avec moi, je me sens de plus en plus nerveuse. J'ai à la fois envie de lui balancer un bon coup de pied dans les couilles et le désir farouche d'abattre cet infranchissable mur qui semble nous séparer désormais.

Vince sent la tension entre nous, mais ne dit rien. Il se contente d'asticoter Clover bien trop ravie de lui rendre la pareille. Ce n'est qu'une fois que j'ai débarrassé notre table et jeté les emballages vides qu'il dit :

— Je vais avoir besoin de Clover cet aprèm.

Mon regard croise le sien et j'inspire profondément. Nous savons tous les deux qu'il ment. Il n'a pas besoin de la petite pour fouiller et vider la maison du père de Nash. Il m'offre seulement l'occasion d'un tête-à-tête avec mon... frère.

Bon sang, est-ce qu'un jour je me ferais à cette idée ? C'est d'autant plus étrange pour moi que je l'ai toujours considéré comme tel. Alors pourquoi maintenant que c'est réel, ai-je tant de mal à me faire à l'idée ? Sûrement parce qu'avec cette vérité vient tout un tas d'autres beaucoup plus difficiles à avaler. Accepter Nolann comme mon frère, c'est accepter l'idée que mon père n'a jamais été celui qu'il prétendait être, qu'il m'a menti durant toute ma vie et qu'au final il ne vaut pas mieux que ma génitrice.

Réprimant une grimace, je me tourne vers Clover et lui demande :

— Ça te va ?

Son regard intelligent et plein de sagacité passe rapidement de Racer à moi puis elle acquiesce.

— Pas de problème. On n'est pas à un jour près.

Ma main se pose sur son épaule et mes prunelles accrochent les siennes.

— Demain matin, c'est promis.

Elle hoche la tête avant de se tourner vers Vince.

— Quand tu veux. Je suis sûre que je peux te trouver des roulettes quelque part. Ça devrait t'aider à avancer plus vite au vu de ton grand-âge.

Papi grogne, mais peine à cacher son sourire quand il lui répond :

— Tu vas moins rire quand tu seras de corvée de chiottes pendant une semaine, gamine !

— Ah... Je pensais qu'on mettait déjà des couches à ton âge...

— Dis la morveuse ! Il suffit que je te pince le nez pour en faire sortir la morve, petite !

Je ne peux m'empêcher de sourire en les regardant s'éloigner ensemble. Entre ces deux-là, c'est une évidence. Un peu comme ça l'a été entre Papi et moi dès le début de notre relation. Pourtant, je ne peux m'empêcher de me demander si Clover est véritablement à l'aise chez nous ou si elle fait seulement de son mieux pour s'adapter à cette nouvelle situation en attendant de voir comment les choses vont tourner pour elle.

Nolann se racle la gorge et mon attention se concentre sur lui. Je prends le temps de le détailler. Il n'a plus rien à voir avec le gamin d'à peine dix-huit ans qui a quitté les RIP. Son corps a pris en volume, ses muscles se sont développés, ses traits sont plus marqués et son regard s'est durci. C'est désormais un homme. Un homme dont je ne sais rien ou presque et ça m'attriste profondément.

— Suis-moi. J'ai besoin de décompresser.

Toujours silencieux, il devient mon ombre dans les couloirs du club. Je nous fais monter à l'étage jusqu'à la salle de sport du club et je suis heureuse de la trouver vide. J'imagine que quand on a une guerre à préparer, il ne reste pas beaucoup de temps pour le reste...

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant