Hell's Bastards

Chapitre 19 : Red (Taylor Swift)

Une fois encore, je passe à travers toute une palette d'émotions. Je trouve que la chanson Red de Taylor Swift décrit parfaitement ma situation. Mon amour pour Logan est rouge brûlant, et il me consume tout entière. Il est comme ancré en moi à jamais, gravé dans mon cœur et dans mon esprit.

Après le rouge — ou plutôt par-dessus — est venu le gris. La solitude. Comme un froid perpétuel qui glace jusqu'aux os. Je suis revenue dans ma routine du mois de janvier où je me perds dans le travail pour ne plus penser.

J'ai l'impression que Logan est de partout autour de moi, que chaque chose me le rappelle : l'odeur de la cigarette, le bruit d'une Harley dans la rue... Je me suis fait une raison, je ne pourrais jamais me défaire de lui, de son souvenir. Je réalise qu'en fait si je pense toujours à lui, c'est que je ne veux pas l'oublier. Une petite partie de moi espère toujours. Je dois être damnée pour poursuivre un amour à sens unique.

Le rouge semble m'habiter, prenant le dessus sur le gris ou sur le bleu de la tristesse. Je m'endors souvent en pleurant mais c'est la colère qui prédomine. Je suis en colère contre Logan pour ne pas vouloir essayer d'ouvrir son coeur, contre mon père pour continuer de me voir comme une petite fille, et bien sûr contre moi-même, pour ne pas avoir su résister et être tombée amoureuse du seul homme qui ne veut pas aimer, pour toujours espérer au fond de moi vivre une histoire digne d'un conte de fées avec Logan.

Pour essayer d'effacer son souvenir de mon esprit, je sors. Seule, généralement. Je vais au bar, dans des boîtes de nuit. Généralement, je me fais aborder par des tas d'hommes. Je flirte un peu, mais sans plus, car mon cerveau les compare à Logan de façon automatique. J'ai l'impression d'être revenue un an en arrière quand je sortais avec Rachel dans l'espoir de m'empêcher de penser à Logan.

Je suis la première arrivée au bureau et une des dernières à repartir. Le travail m'aide à me vider la tête, à ne pas penser à tout ce qui ne va plus dans ma vie. Ce n'est pas non plus une solution à mes problèmes, mais je m'en fiche totalement.

- Mademoiselle Smith.

Je lève la tête de mon écran d'ordinateur et découvre Mr Briant appuyé au chambranle de la porte de mon bureau. Les manches de sa chemise sont retroussées et les boutons de son col sont défaits. C'est un bel homme, mais mon cerveau reste fixé sur un seul en particulier, et ce n'est pas mon patron. Un coup d'œil à ma montre m'apprend qu'il est vingt heures passées.

- Il est tard, vous avez dîné ? demande-t-il.

Je ne pensais pas qu'il était si tard, et de toute manière je n'ai pas trop d'appétit ces derniers temps.

- Non.

- Ça tombe bien, moi non plus ! Je vous invite.

J'ouvre la bouche pour refuser, mais Mr Briant lève une main et ajoute :

- Je n'accepterai pas de refus. Prenez cela comme ordre de votre supérieur.

- Si je n'ai pas le choix...

- Je vous attends à l'ascenseur dans dix minutes.

***

Mr Briant — Jace, comme il m'a demandé de l'appeler — m'a étonnée quant au choix du restaurant. J'aurais pensé qu'il aurait choisi un restaurant étoilé pour m'impressionner, mais il a choisi le petit bistrot qui est juste en face de l'immeuble où se trouvent nos bureaux. Je parle peu, et cela semble lui aller.

- C'est votre petit ami, l'homme avec qui vous êtes partie l'autre soir ? demande-t-il au moment du dessert.

Il dit les mots « petit ami » avec une moue dégoûtée, comme si c'était une insulte, et je perçois de la jalousie. Je ne vais pas lui donner la satisfaction de lui raconter l'histoire du début à la fin, parce que je sais que c'est ce qu'il veut. Il sera encore plus intéressé s'il apprend que j'essaie de l'oublier.

- Non.

Dans ma réponse un peu sèche, il a dû avoir compris que c'est inutile d'insister. Heureusement, car je ne suis pas d'humeur ce soir. Le silence s'installe entre nous, et j'en suis bien contente. Je suis étonnée du comportement de Mr Briant. J'aurais pensé qu'il serait passé en mode séducteur toute la soirée, mais non.

Dîner au restaurant — chose que nous n'avons jamais faite avec Logan — avec un autre homme me donne l'impression d'être déloyale à Logan et de trahir mes sentiments. J'essaie tant bien que mal de me défaire de cette pensée, mais c'est peine perdue. Alors quand Mr Briant paie l'addition, je ne proteste pas, dans l'espoir de me retrouver seule le plus rapidement possible et de me noyer dans mon chagrin.

*** 

À peine arrivée chez moi, je pleure pour moi, pour l'état dans lequel je suis, pour Logan et pour mes sentiments. Je ne cherche même pas à trouver une explication rationnelle ou à me dire que ça va aller. Je laisse libre court à ma tristesse et à ma colère.

Mon amour, mes sentiments pour lui sont rouges, ils me brûlent, me consument. Je me laisse aller aux flammes dévorantes que sont mes émotions et ne fais rien pour lutter.

Ce nuage rouge qui semble m'envelopper, je vis avec depuis un moment déjà, et je sais qu'il sera avec moi pour un moment encore. J'arrête de m'en soucier et me laisse porter par le courant.