Chapitre 2 - Rory

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Assise sur mon lit, j'achève mon troisième verre de vin, tandis que Becka, ma colocataire, me tend une assiette de pringles dans laquelle je plonge allègrement ma main.

— Je te jure ! Il m'a carrément demandé de l'accompagner au dîner. J'ai cru que mon cœur allait lâcher ! s'exclame-t-elle.

J'éclate de rire tandis qu'elle poursuit le résumé de sa journée.

Becka et moi habitons ensemble depuis deux ans maintenant. Comme moi, elle travaille en tant que serveuse au Berry's, un bar chic du centre-ville dont la clientèle est essentiellement constituée de riches hommes d'affaires.

Ce n'est pas un job de rêve, mais nous ne sommes pas trop à plaindre. Si le salaire est tout à fait moyen, on récupère souvent d'importants pourboires. Pour les hommes qui nous les laissent, il s'agit d'une somme anodine, la plupart d'entre eux étant avocats, courtiers où je ne sais quoi d'autre. Alors que pour nous, ce sont de véritables petits trésors nous permettant de faire quelques folies comme... payer les factures.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ?

— J'ai dit oui, bien sûr !

La réaction de Becka m'arrache un nouveau rire.

Il est fréquent qu'elle et moi nous fassions brancher au travail, mais pour ma part, je préfère éviter de fréquenter les clients. D'autant que la plupart d'entre eux ont tendance à penser que parce qu'ils rajoutent quelques dollars, ça leur donne le droit de nous peloter ou Dieu sait quoi d'autre.

Il m'a fallu du temps, mais j'ai appris à gérer les mains baladeuses.

Becka, elle, pense qu'il n'y a pas de mal à profiter de ce qu'on lui offre. Nous sommes très différentes sur ce point, mais nous nous entendons très bien malgré tout, sans quoi nous ne partagerions pas cet appartement.

— Tu es incroyable !

— C'est ce qu'il dira aussi une fois que je l'aurais fait jouir !

Cette fois, je ne peux pas m'empêcher de recracher la gorgée de vin que je m'apprêtais à avaler.

Il est assez rare que nous soyons à l'appartement en même temps, nos plannings étant coordonnés de façon à ce que l'une de nous au moins soit presque toujours au bar. Alors quand l'occasion se présente, on aime en profiter pour passer un peu de temps ensemble.

— Il faut qu'on te trouve un mec à toi aussi.

— Pourquoi faut-il toujours qu'à un moment où à un autre, la conversation finisse par s'orienter vers moi ? dis-je en levant les yeux au ciel.

— Parce qu'une jolie fille comme toi ne devrait pas passer ses soirées toute seule à manger des pringles et à boire du vin !

— Je ne suis pas toute seule, tu es là.

— Ouais, mais je n'ai pas de pénis !

— OK, là tu deviens complètement folle. Tu sais très bien que j'aime ma vie telle qu'elle est.

— Je sais chérie. Je veux juste que tu sois heureuse.

— Tout va bien, Becka, je te le jure.

Ma coloc est adorable, mais son obsession pour ma vie privée me dépasse complètement.

— Bien, je crois qu'il est temps d'aller nous chercher la suivante, dit-elle en constatant que notre bouteille est vide.

Je ris avant de faire trinquer mon verre avec le sien.

— Absolument !

Heureusement que Becka n'est pas là tous les soirs parce que les lendemains de soirées avec elle sont toujours particulièrement difficiles.

Pour moi, en tout cas. Parce qu'elle... Elle est rayonnante.

— Comment réussis-tu ce miracle ?

Elle sourit tant en continuant de se mettre du fard à paupières devant le miroir de notre salle de bain.

— Il n'y a rien qu'un bon maquillage ne puisse arranger.

— Si tu le dis, répondis-je continuant à manger mon bol de céréales. Habitude que j'ai gardée de mes premières années.

— À quelle heure tu prends ton service ?

— Quinze heures. Je fais la fermeture.

Nous sommes samedi soir et je sais déjà que le bar sera bondé. Cela laisse présager une longue soirée, mais les pourboires devraient être en conséquence alors je ne suis pas contre travailler dur ce soir.

Il est assez rare que nous disposions d'un weekend complet de repos et Becka a bien mérité celui qui l'attend.

— Et toi, où est-ce que tu vas ? Elle se retourne, un large sourire sur le visage.

— John m'emmène dans sa maison au bord de la mer.

— On habite à Miami. On est au bord de la mer toute l'année !

Elle rit avant de me faire mine de me menacer avec son pinceau de maquillage.

— Ah, toi et ton sarcasme !

— Je plaisante. Éclate-toi. Mais sois prudente !

— Compris maman !

La sonnerie de l'interphone interrompt notre conversation matinale. Il semblerait que John soit déjà là.

— Finis de te préparer, je vais lui ouvrir.

— Tu es un amour !

Je lui offre mon plus beau sourire avant d'aller ouvrir à son nouveau soupirant. Des coups sur la porte quelques secondes plus tard m'indiquent qu'il est arrivé.

John est avocat. Il y a un moment qu'il fréquente le bar et qu'il faisait les yeux doux à Becka, mais ce n'est que récemment qu'il s'est lancé et l'a invité à sortir.

Je l'ai toujours connu en costume alors le voir en tenue décontractée me semble un peu étrange, mais c'est agréable.

— Bonjour Rory, me dit-il, les mains chargées d'un magnifique bouquet de roses rouges. Mon Dieu, Becka va être folle !

C'est vrai qu'il est plutôt beau garçon maintenant que je prends le temps de le regarder de plus près. Je commence à comprendre ce que Becka lui trouve.

— Bonjour John. Entre, elle finit de se préparer.

Il s'exécute et referme la porte derrière lui. Becka débarque quelques secondes plus tard alors que nous entamons tout juste la conversation. Elle porte un short dangereusement court et un petit haut en dentelle. J'en connais une qui a décidé de s'amuser ce weekend. John lui tend immédiatement les fleurs et les joues de Becka se parent immédiatement de rouge.

— Oh, John tu n'aurais pas dû !

Elle se saisit du bouquet avant de le mettre dans un vase puis l'attire pour un baiser fougueux, qui dure si longtemps que je finis par me racler la gorge.

— Oups. Je crois qu'on devrait y aller. Bon courage pour le boulot, ma belle.

— Merci. Profite de ton weekend.

— Oh tu peux compter sur moi ! lance-t-elle avec un sourire complice.

Je ris en verrouillant derrière eux. Mon weekend sera nettement moins agité que le sien, mais ça n'a pas d'importance. De toute façon, il est presque l'heure que j'aille travailler.

Rien que pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant