Chapitre 4 - Rory

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Il est presque treize heures lorsque j'ouvre enfin les yeux. Becka n'est pas là et j'ai l'appartement pour moi toute seule. La chaleur est étouffante ce matin et je décide de trainer un peu en sous-vêtements avant d'aller prendre ma douche.

Je tire les rideaux histoire de ne pas me donner en spectacle puis je m'installe à table pour y prendre mon petit déjeuner.

Avec les horaires que j'ai en ce moment, je vis complètement en décalé.

J'avoue qu'il me trotte de plus en plus dans la tête l'idée de faire autre chose de ma vie. J'ai atterri au Berry's après une période de ma vie mouvementée, pensant que me fondre dans la masse d'une ville comme Miami serait une bonne idée pour prendre un nouveau départ. Et ça a été le cas. J'ai pu repartir à zéro ici.

Mais je ne me vois pas rester serveuse toute ma vie.

J'ai les jambes et le dos endoloris par les longues heures de service que je viens d'effectuer et penser au fait que je vais devoir recommencer d'ici deux heures à peine me démoralise.

Mais c'est samedi soir. Le jour le plus chargé mais aussi celui qui me rapporte le plus en termes de pourboires alors j'essaie de me raccrocher à ça.

**************

— Rory, est-ce que tu peux te charger d'amener la commande à la table quatre s'il te plaît ?

Je viens à peine d'enfiler ma tenue et c'est tout juste si j'ai fini de nouer mes lacets, mais je m'exécute sans broncher.

— Bien sûr, dis-je en saisissant le plateau avant d'apporter leurs boissons au groupe d'hommes qui vient de s'installer.

Tous en costume cravate malgré le weekend. Ce sont des analystes de la banque d'en face qui ont leurs habitudes ici. Je les vois plusieurs fois par semaine. Contrairement à d'autres, eux se sont toujours montrés corrects et je suis soulagée quand je vois que c'est eux que je dois servir.

Il ne me faut pas longtemps pour être assaillie de sollicitations de toute part et les heures défilent à toute vitesse. C'est l'avantage de ce genre de soirée. On ne voit pas le temps passer.

Loïs, notre collègue est malade comme un chien et n'a pas pu venir travailler ce soir. Becka étant en weekend loin d'ici, personne n'a pu la remplacer et Ann et moi nous retrouvons à deux pour gérer un bar plein mais nous formons une bonne équipe et Mack, notre barmaid, est un amour.

Je suis attablée au comptoir à plaisanter avec lui pendant un bref moment de répit lorsque je remarque que les yeux de ma collègue sont braqués juste derrière moi. Je ne sais pas ce qu'elle vient de voir mais j'avoue que cela a piqué mon intérêt. Alors que je me retourne pour voir de mes propres yeux ce qui monopolise son attention, je me heurte au torse de l'homme qui se tient juste là, et qui se dirigeait visiblement vers le comptoir.

Dieu merci je n'avais pas de verres dans les mains, sans quoi leur contenu serait indubitablement allé s'écraser contre sa chemise. Chemise qui laisse d'ailleurs deviner une musculature soignée, si j'en crois ce que je vois.

— Le spectacle vous plait ?

La voix de l'homme dans lequel je viens de rentrer me tire de ma rêverie. Et je suis carrément morte de honte au moment où je lève les yeux vers lui. Oh, mon dieu, faites que son visage ne soit pas aussi tentant que ce qui se trouve sous sa chemise...

Je prends mon courage à deux mains pour rencontrer son regard malgré ma petite session de voyeurisme inopinée.

— Je suis vraiment désolée, je...

Mais mes mots peinent à sortir de ma bouche lorsque ses yeux se posent sur moi.

Merde, il fallait qu'il soit beau gosse, évidemment.

Des yeux d'un vert intense, un sourire espiègle, une chevelure brune légèrement décoiffée et des abdominaux ciselés pour compléter le tableau. Un mètre quatre vingt-cinq de tentation à l'état brut.

Je suis presque sûre que mon visage a viré au pourpre. Dieu merci, je n'ai pas de miroir en vue pour regarder l'étendue du désastre.

— Tout va bien ?

— Euh, oui. Je... ne vous avais pas vu.

— Est-ce que vous avez du mal à tenir debout ?

— Je vous demande pardon ? dis-je en cherchant à comprendre là où il veut en venir.

— Je vous demande ça parce que votre main est toujours appuyée contre mon torse... Attention, je ne dis pas que ça me déplaît. Je veux juste m'assurer qu'avant de la retirer, vous n'ayez pas besoin de mon corps comme point d'appui.

Il dit ces derniers mots avec la désinvolture plus totale, comme s'il n'y avait aucun double sens. Ou bien peut-être qu'il n'y en a pas et que mes hormones, affolées, me font entendre ce que je veux.

Je regarde ma main droite, effectivement posée à plat sur son torse et la retire précipitamment.

— Oh, mon dieu, je ne sais pas quoi dire, je suis tellement désolée. C'est juste que...

— Eh, tout va bien.

L'inconnu pose une main délicate sur mon épaule et je frissonne sous son contact. Mais qu'est-ce qui m'arrive ?

— Je m'appelle Connor.

Il me tend la main et j'essaie de réprimer le tremblement qui l'agite lorsque je la saisis.

— Rory.

— Rory, c'est un plaisir de vous rencontrer.

J'essaie de reprendre un peu de contenance mais il rend la tâche difficile tant son regard est intense. La voix de Mack m'interpellant me ramène à la réalité et je me racle la gorge, trouvant là l'occasion parfaite de fuir.

— Je suis désolée, je dois vraiment y aller.

Il m'offre un sourire compréhensif. Connor Bien sûr, je ne voudrais pas vous en empêcher de travailler.

— Peut-être qu'on aura d'autres occasions de discuter au cours de la soirée.

Mon dieu j'adorerais ça.

— Euh, oui.

J'ai envie de me gifler tant mon incapacité à aligner deux mots doit me faire passer pour une idiote. J'attrape le plateau que me tend Mack, sous le regard médusé d'Ann, qui vient d'assister à toute la scène.

Quand Connor fait finalement demi-tour pour aller rejoindre son ami à table, j'ai l'impression que la température a augmenté de dix degrés. Dès que j'en aurais l'occasion, j'irais m'asperger le visage d'eau froide.

Ouais, j'en ai vraiment besoin.

Rien que pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant