Chapitre 19 - Connor

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— Tu as une de ces têtes ! me lance Garett lorsque je franchis les portes de nos bureaux.

— Je n'ai pas beaucoup dormi.

— Ce n'est pas le « je n'ai pas beaucoup dormi » que j'ai l'habitude d'entendre. Qu'est-ce qui se passe ?

— L'appartement de Rory a brûlé.

— Quoi ? Sérieusement ? Comment vont les filles ?

— Physiquement, elles vont bien. Mais elles ont tout perdu.

— Merde, tu sais ce qui s'est passé ?

— Apparemment la vieille dame d'à côté avait pour habitude de s'endormir la cigarette à la bouche... Elle est morte dans l'incendie.

— Ça craint, mec.

— Ouais, c'est rien de le dire.

— Où est ce qu'elles vont aller maintenant ?

— Becka dort chez son petit ami et Rory chez son collègue.

— C'est pour ça que tu fais cette tête ? Parce qu'elle est dans les bras d'un autre homme ?

— Elle n'est pas dans les bras d'un autre homme.

Face à moi, Garrett sourit. Je sais ce qu'il fait, et il essaie de me pousser dans mes retranchements, pour me faire admettre que Rory me plaît. Qu'elle me plaît vraiment !

— Je ne m'inquiète pas pour ça, elle et moi on est sur une bonne lancée. Je crois.

— C'est marrant de te voir si peu sûr de toi.

— Je ne suis pas...

— Oh, si tu l'es. Définitivement. Je ne sais pas ce que t'a fait cette fille, mais tu l'as dans la peau. 

Il a peut-être raison, au fond. J'ai Rory dans la peau depuis le premier jour... Mais je ne vais pas l'admettre si facilement.

— Si tu le dis.

Ça m'ennuie d'en douter, mais malgré notre petit moment d'intimité de la dernière fois, je ne suis sûr de rien. Sans doute qu'avec ce qui vient de se passer, Rory va avoir la tête ailleurs. Et ce serait tout à fait normal. 

Quant à moi, eh bien... Je ne sais pas. Mais j'essaie de ne pas trop me focaliser là-dessus. Après tout, la vie de Rory vient de partir en fumée, au sens propre, alors peut-être que quarante-huit heures après, il est un peu tôt pour présager de quoi que ce soit.

— Tu devrais lui proposer de venir chez toi.

— Attends... quoi ?

— Rory. Tu viens de me dire qu'elle n'a plus de chez elle, et qu'elle dort chez son collègue.

— Je ne vais pas faire ça.

Garett s'assied face à moi, attendant que j'argumente.

— Pourquoi ? Ton appartement est immense, elle pourrait loger dans une des chambres d'amis. Et puis, elle te plaît. Ça te permettrait de l'avoir sous la main si jamais les choses entre vous se concrétisent.

— C'est une mauvaise idée.

— Je ne crois pas. Je crois au contraire que tu lui rendrais service. Ceci dit, attention. Elle est presque aussi bornée que toi et il est probable qu'elle refuse.

— Rectification, elle VA refuser. Et je vais me ridiculiser.

— À toi de voir.

J'avoue que l'idée de Garett m'a traversé l'esprit moi aussi. Il a raison sur un point, c'est que mon appartement est immense et je pourrais l'accueillir aisément... J'y ai pensé. Mais je crains de passer pour un opportuniste et je ne veux pas avoir l'air de profiter de la situation.

J'aimerais pouvoir faire quelque chose pour elle, sans qu'elle interprète mal mes intentions.

— Tu sais quoi ? Tu n'as quand même pas tout à fait tort. Et je vais l'aider.

****************

Je m'apprête à rentrer dans la boutique lorsque mon téléphone sonne.

— Dieu merci, il est toujours en vie !

— Ah, ah, très drôle. Moi aussi j'ai aussi un boulot je te signale !

— Laisse-moi deviner. Grande, blonde et pulpeuse, ton boulot ?

— Plutôt une petite brune en fait, mais blague à part, j'ai vraiment beaucoup de boulot. Comment tu vas ?

Il y a plusieurs semaines que je n'ai pas eu mon frère au téléphone.

Il est rare que nous passions aussi longtemps sans prendre de nouvelles l'un de l'autre, mais disons que ces derniers temps... J'avais un peu la tête ailleurs.

J'ai une excellente relation avec mes deux frères aînés et j'ai conscience d'avoir énormément de chance qu'ils fassent partie de ma vie.

Même si j'aime vivre ici, ces deux idiots me manquent, je dois bien le reconnaître.

Parfois quand je me sens un peu seul, j'envisage de retourner vivre vers chez eux. Je me dis que je pourrais profiter davantage de ma famille, surtout depuis qu'ils ont décidé d'avoir des enfants.

Mais c'est difficile, après dix ans, de me dire que je devrais à nouveau quitter tout ce que j'ai mis tant de temps à construire.

— Ça va. Je suis content, le cabinet marche de mieux en mieux.

— Tu doutais vraiment que ce soit le cas ?

J'entends Cooper rire et je souris moi aussi. Mon frère a cette capacité incroyable de réussir tout ce qu'il entreprend. Enfin, mes frères ont cette capacité incroyable.

Cooper a quitté un job en or pour se lancer seul il y a un peu plus d'un an et demi, par amour pour sa femme, qu'il a retrouvée après dix ans de tensions et de non-dits. Ils se sont mariés il y a quelques mois et filent désormais le parfait amour avec leur petite fille qui fêtera bientôt son premier anniversaire.

— Disons que je fais ce qu'il faut pour que ça fonctionne.

— Et comment vont les femmes de ta vie ?

Je m'assure d'avoir du temps devant moi avant de poser la question à Cooper, parce qu'il est intarissable sur le sujet. Quand je dis que ce sont les femmes de sa vie, je n'exagère rien.

Et comme prévu, lui et moi nous lançons dans une longue conversation.

— Est-ce que tu viens toujours pour l'anniversaire d'Autumn ?

Merde, j'avais complètement oublié ça.

— Euh, oui, bien sûr, je serais là.

J'ai la chance d'être mon propre patron et de mener une vie confortable, ce qui me permet de faire l'aller-retour par avion plusieurs fois par an, et à minima, pour les anniversaires de mes neveux et maintenant de ma nièce.

Tu avais oublié n'est-ce pas ?

Absolument.

— Pas du tout ! mentis-je. Je sais que Lena viendrait jusqu'ici pour m'étriper si c'était le cas, et je tiens bien trop à la vie.

Cooper éclate de rire.

Avant de devenir sa femme, Lena était notre amie, à tous les trois et nous nous connaissons très bien.

— Aucun doute là-dessus.

— On se voit dans dix jours alors ?

— J'ai hâte d'y être.

Je raccroche, le cœur léger et rentre dans le magasin pour poursuivre ce que j'étais venu y faire initialement, mais je repasse dans ma tête la conversation avec mon frère.

Et il me vient une idée. 

Rien que pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant