Chapitre 18 - Rory

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— Tu es sûre que tu ne veux pas venir avec moi chez John ? me demande Becka. C'est bien assez grand pour nous trois, tu sais.

— Non, tu es adorable, mais je n'ai pas envie de me mettre en vous.

— Rory, honnêtement, on vient de tout perdre... La priorité c'est de faire en sorte que ni toi ni moi ne soyons à la rue.

Je souris à Becka tout en contemplant les dégâts. Nous venons tout juste d'être autorisées à revenir sur les lieux, près de quarante-huit heures après l'incendie, pour récupérer ce qui pouvait encore l'être.

— Ça va aller, le canapé de Mack n'est pas si inconfortable que ça !

— Je sais que tu ne comptes pas changer d'avis, mais, juste au cas où... Sache qu'il y a de la place pour toi.

Je la serre dans mes bras, oubliant l'espace d'un instant que ce qui vient de se passer sonne probablement la fin de notre colocation.

Du coin de l'œil, j'observe John qui attend Becka près de sa voiture. Ça a vraiment l'air d'être un chic type. Le fait qu'il ait proposé de nous héberger toutes les deux le prouve. Mais déjà qu'être un poids pour Mack me met mal à l'aise alors que nous sommes amis... Alors, envisager de m'installer chez John... C'est non.

Je n'ai personne chez qui aller. Personne à part mon collègue, qui m'a tout de suite ouvert la porte de chez lui lorsqu'il a appris ce qui s'était passé et  que je ne remercierais jamais assez pour ça.

La seule chose que j'ai pu sauver et que les pompiers ont accepté que j'aille récupérer, c'est un sac de vêtements. Mack n'habite qu'à quelques rues d'ici et je peux rejoindre son appartement en moins de dix minutes à pied, ce qui est un bon compromis, le temps que je me retourne.

Il y a maintenant presque quarante-huit heures que tout est parti en fumée.

Quarante-huit heures que je fonctionne comme un robot.

Je n'avais pas grand-chose, mais le peu que j'avais, je l'ai perdu.

— Rory, est-ce que ça va ?

Alors que je fais face au désastre, je sens des mains se poser sur mes épaules.

Je me retourne pour lui faire face et il se tient là, devant moi, l'air terriblement inquiet.

— Connor, qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je... Je n'avais pas de nouvelles depuis notre soirée alors j'ai décidé de venir directement chez toi, pour voir ce qui se passait. Mais en arrivant, j'ai vu l'immeuble noirci par les flammes, et on m'a dit qu'une femme était morte. C'est votre étage Rory. J'ai pensé que ça pouvait être l'une de vous, mais je viens de croiser Becka.

Avec toute l'agitation de ces dernières heures, j'avais complètement oublié Connor.

Mon téléphone, comme le reste de mes affaires, a brûlé. Impossible donc de le prévenir.

— On va bien, toutes les deux. La femme qui est décédée c'est notre voisine, la vieille Madame Pickens. Elle... Elle avait l'habitude de s'endormir la cigarette à la bouche. Les pompiers ont dit que le feu venait probablement de là...

Sans que je m'y attende, Connor me prend dans ses bras et je me laisse fondre contre son torse.

Ça fait du bien d'avoir une épaule sur laquelle pleurer. C'est du moins ce que je me dis quand je sens mes premières larmes couler.

— J'ai eu tellement peur, souffle-t-il.

Je suis incapable de dire quoique ce soit, submergée par les émotions que je refoule depuis deux jours. Alors je ne dis rien et je savoure cette étreinte.

****************

— C'est tout ce que tu as pu récupérer ?

Je regarde le petit sac de voyage à mes pieds.

— Oui, tout le reste est parti en fumée.

Connor et moi nous tenons désormais au pied de l'immeuble et, après de longues minutes passées à pleurer, je me sens un peu mieux.

— Comment est ce que tu vas faire maintenant ?

— Je dors chez Mack depuis hier soir. Ce n'est pas très grand, mais au moins pour l'instant, j'ai un toit au-dessus de la tête, parce que, honnêtement, je n'ai même pas de quoi me payer un hôtel.

— Il habite loin d'ici ?

— À une dizaine de minutes. Becka est partie vivre chez John. Il m'a proposé de venir aussi, mais je ne veux pas interférer entre eux.

— Je suis tellement désolé, je n'aurais pas dû te laisser ce soir-là.

— Tu ne pouvais pas savoir, Connor. Et même si tu étais resté, tu n'aurais pas pu empêcher Madame Culkin de s'endormir avec sa cigarette.

Il sourit, mais je sais qu'une part de lui se sent coupable.

— Je suis content que vous n'ayez rien.

— Moi aussi. C'est le principal.

Nous restons un moment face à face, sans dire un mot. Parce qu'aucun de nous n'a jamais vécu ça et qu'il n'y a pas de phrase toute prête à utiliser dans ce genre de situation.

— Je peux t'accompagner ? Jusque chez Mack ?

— J'aimerais beaucoup ça, oui, dis-je en hochant la tête.

Il attrape le sac qui se trouve à mes pieds et le jette sur son épaule avant de me tendre la main.

Je la saisis sans trop y réfléchir et la chaleur de sa peau contre la mienne me soulage instantanément.

Je suis contente qu'il soit là. Ça me touche beaucoup de savoir qu'il s'est inquiété et qu'il a fait le chemin jusqu'ici pour s'assurer que j'allais bien.

*****************

Après dix minutes de marche, nous sommes comme prévu arrivés chez mon collègue. Connor m'accompagne jusqu'à la porte et replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille lorsque je m'immobilise devant celle-ci.

— Je sais que ça fait un peu cliché, mais... si tu as besoin de quoique ce soit, tu m'appelles.

Je pose ma main sur la sienne, mon cœur battant tout à coup un peu plus vite.

— Tu es adorable, mais je n'ai plus de téléphone. Il était dans l'appartement.

— Merde, je n'y avais pas pensé. On va trouver une solution pour ça.

Je souris alors que dans sa tête, les choses semblent déjà tourner à mille à l'heure.

— Est-ce que tu travailles demain ?

— Oui, tout l'après-midi.

— Alors je te verrais au bar, dit-il.

— Connor, tu n'es pas obligé de...

Il me fait taire en posant un doigt sur mes lèvres et je le laisse faire, n'ayant pas la force d'argumenter davantage.

— On se voit demain.

Son assurance me fait du bien.

— D'accord.

— Est-ce que je peux t'embrasser ?

Je sens mon cœur qui s'emballe. J'en meurs d'envie.

— J'ai cru que tu ne me le proposerais jamais.

Il sourit et se penche vers moi, m'entraînant avec lui dans un baiser fougueux et passionné qui me fait rapidement oublier ce que je suis en train de vivre.

Même si c'est provisoire.

— À demain, Rory.

Rien que pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant