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Point de vue de Malika

Ça fait un moment maintenant que je cherche mes clés de voiture partout dans l'appartement. J'ai beau ne pas vouloir y croire, il est évident que Mehdi les a cachées. Certainement de peur que je ne m'enfuie. J'étais un peu blessée d'être traitée comme une malade, comme une personne instable à qui il fallait retirer ses clés de voiture. Je me suis tout de suite sentie comme emprisonnée. D'autant qu'à l'heure actuelle c'est lui qui est allé faire n'importe quoi. Mais bon, sur le moment je n'avais pas la tête à débattre de cela. Ils fallait un moyen de me déplacer.

J'ai vite décidé d'abandonner l'idée de prendre ma voiture, mais je ne peux pas non plus prendre les transports, je n'ai pas le temps de mon côté. C'est à ce moment là que j'ai pensé à ma moto. Mehdi n'est à mon avis pas allé jusqu'à en cacher les clés, à mon avis dans la panique il n'y a même pas pensé et j'ai eu raison. J'ai trouvé les clés à leur place habituelle, j'ai attrapé un casque, enfilé ma veste et j'étais partie. J'avais trop peur que Mehdi fasse n'importe quoi.

J'essayais de me rassurer en me disant qu'il n'en arriverait pas là, après tout c'est vrai, pour qui je me prends à m'imaginer qu'il m'aime au point de tuer ? Et en même temps je me dis qu'il est évident que si j'apprenais que quelqu'un lui avait fait un mal similaire je me sentirais capable de tuer. Je me suis crue capable de tuer quand je pensais à Kaïs alors que Mehdi était inconscient.

Je roulais comme une dératée vers chez Samir. Il habite une cité pas très loin des roseaux mais pas tout à fait à côté non plus. Il a déménagé là quand il a eu son premier fils, il habite là avec ses trois enfants et leur mère. L'idée que ce mec puisse couler des jours heureux, être avec une femme depuis autant de temps et avoir des enfants me dépasse. Cette homme est un prédateur, comment peut on l'aimer ? Comment peut-il prétendre aimer une femme, aimer des enfants. Ça m'écœure rien que d'y penser.

J'arrivais aux abords de la cité quand je l'ai vu, même d'aussi loin et même alors qu'il était dos à moi en train de marcher dans la direction opposée je l'ai reconnu. Malheureusement, aussi facilement que je reconnaîtrait Mehdi parmi mille hommes dans une foule, je reconnaîtrais également toujours la carrure de Samir.

Il marchait tranquillement avec ses trois enfants, ses deux garçons marchaient d'un côté et de l'autre de lui et il avait sa petite dernière dans les bras, elle n'est pas plus grande que Liya, elles sont copines d'ailleurs.

Comment c'est possible ? Comment j'ai pu laisser ça arriver ? Comment c'est possible que là quand je regarde ce monstre je ne me trouve pas face à ça justement un monstre, un déchet de l'humanité mais face à Samir, papa de 3 enfants, dont Samra l'une des copines de jeu de Liya, Samir l'un des meilleurs potes de Bilel, mon beau-frère, Samir le pote d'enfance de Mehdi, Samir le mec de Lydia avec qui j'ai joué à la marelle dans mon enfance, Samir mon ex, Samir ... tout sauf mon violeur.

Avec ce déni je l'ai laissé se créer une vie, se créer un personnage, une place dans ma vie qui n'est pas la sienne, une place qui n'est pas celle de déchet qu'il devrait occuper. J'ai l'impression que je n'ai pas le droit de lui en vouloir, pas de raison juste et valable de faire voter ce personnage en éclat et semer la zizanie dans les vies de toutes ces personnes ... et en même temps là tout de suite maintenant mon corps tout entier me fait mal. Ma moto est immobilisée là en plein milieu de la voie et je n'arrive plus à bouger, j'ai mal absolument partout, de la racine de mes cheveux à mon petit orteil, chaque parcelle de mon corps me fait mal, la douleur est insoutenable, j'ai l'impression de perdre connaissance tellement j'ai mal et pourtant, pourtant mon cerveau ne veut pas accepter la réalité, je vois juste Samir.

Le monde est à nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant