Calliope
— À moi.
Newton ouvre la bouche, je me marre en y glissant un biscuit chocolaté. Et avant que je ne retire mes doigts, il me surprend à refermer ses dents autour. Sa langue glisse sur ma chair, son regard rivé droit sur la route en face de lui. Mon corps réagit aussitôt, mon périnée se contracte et une chaleur grimpe jusque dans mes pommettes.
— Hm. Délicieux, dit-il en me rendant finalement mon doigt.
Je tourne la tête sur le côté, sourire aux lèvres, espérant qu'il ne décèle pas l'incapacité de mon corps à résister à l'effet de sa langue.
J'entends son rire résonner dans l'habitacle, je ferme les yeux et me joins à lui.
À cet instant, je ne me rappelle pas avoir passé de si bons moments depuis bien longtemps. J'ai laissé mes tourments à San Francisco, et à Vegas, je me sens heureuse. Sincèrement et intensément heureuse. Si bien que je regrette finalement de rentrer demain.
J'ai cette tendre impression que tout est possible et que mes rêves les plus fous pourraient se réaliser. Je me vois, des années en arrière, folle de ce garçon au cœur tendre et aux yeux couleur glace. Je me souviens encore de ces moments passés à partager nos rêves pour l'avenir. Surtout, je me rappelle cet espoir qu'il m'a laissé entrevoir. Et malgré tout, une pointe m'assène le cœur lorsque je me souviens que cet espoir m'a été arraché par la suite. Je suis en âge de ne plus me perdre dans des rêves illusoires et impossibles d'accès, mais j'ose encore croire que notre « nous » n'est plus si lointain finalement.
— Ton bracelet, pourquoi tu ne l'as jamais enlevé ? demandé-je en observant son poignet qui porte depuis toutes ces années l'un des vestiges de notre « nous ».
— Tu ne me l'as jamais enlevé. Et moi, je t'ai dit que je ne le ferais jamais.
Il détourne le regard de la route une demi-seconde pour m'observer.
— Et toi ? Tu avais un millier de raisons de retirer ce collier.
Je souris en prenant la clé entre mes doigts.
— Peut-être qu'au fond, j'avais toujours l'espoir de te revoir.
Il ne réplique pas, mais son sourire éclatant suffit à embraser mon âme. Il suffit à me faire comprendre qu'aucune réponse ne serait plus explicite que ce moment, surtout lorsqu'il entrelace ses doigts aux miens, comme il le faisait si souvent à l'époque.
C'est étrange comme sensation. Je n'ai pas bu depuis des heures et, pourtant, je me sens ivre. J'ai envie de ne jamais m'arrêter de rire et de sourire, j'ai envie de hurler à la terre entière que Newton Adams est actuellement la personne à l'origine de mon bonheur.
À la prochaine intersection, Newton ralentit et s'élance sur un chemin en terre. Mes yeux observent attentivement l'environnement, tentant de comprendre quel est ce lieu mystérieux que nous allons visiter. Lorsque j'aperçois un grand panneau en bois où est inscrit « Happy Hound Haven » [1] avec pour illustration un adorable chiot, je me retourne vers Newton, les lèvres entrouvertes et les yeux écarquillés.
— On va réellement passer la journée ici ?!
Sans quitter la lueur de joie qu'il arbore depuis le réveil, il confirme mes pensées d'un hochement de la tête. Je me retrouve à pousser un petit cri en apercevant les premières boules de poils qui s'amusent dans un immense parc verdoyant. Quoi de mieux qu'une cinquantaine de chiens pour réchauffer mon âme griffée et recoller les miettes de mon cœur en berne ?
— Je viens ici parfois. Quand... enfin...
Il se gare sans parvenir à finir sa phrase. Je le regarde en fronçant les sourcils, ma main toujours au creux de la sienne.
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Face à face
RomancePour Calliope, l'enfer rime avec lycée Crestwood High, et cette dernière année va d'autant plus forger sa conviction. Entre des parents absents, son harcèlement constant et une douleur qu'elle cache derrière une apparente froideur, sa vie est un vér...