Point de vue de Salwa
Cinq heures du matin, mon réveil résonne dans toute la pièce, me faisant sursauter. Dans l'obscurité encore présente, j'étends la main pour l'éteindre, sentant la froideur de la pièce m'envahir. Lentement, je me lève, me lave, m'habille, me maquille et me coiffe, essayant de m'ancrer dans cette routine qui me permet de garder un semblant de normalité. Le miroir me renvoie une image fatiguée, mais je m'efforce de sourire, comme pour me convaincre que tout ira bien.
Je me dirige vers la chambre de mon père. Papa est déjà réveillé, allongé dans son lit, les yeux fixés sur un point invisible, perdu dans ses pensées. Cet homme, autrefois si puissant et imposant, semble désormais si vulnérable. Son regard vide traverse la pièce sans vraiment voir.
Je m'assois doucement à côté de lui, adoptant un sourire réconfortant. Mon cœur se serre en le regardant, et une tristesse sourde m'envahit. Combien de fois ai-je souhaité que l'argent puisse acheter la santé ? Que notre richesse puisse conjurer ce destin cruel ? Mais la réalité est implacable.
Je pose ma main sur la sienne, espérant capter son attention. Mon geste le fait enfin tourner la tête vers moi. Ses yeux, autrefois étincelants d'intelligence et de détermination, sont maintenant voilés par la confusion.
Moi - en souriant Papa, aujourd'hui on rentre au Maroc. On va aller voir Said et Adil. Tu te souviens ?
El Patron - l'incertitude dans la voix Said ? Adil ?
Moi - en hochant la tête Oui, tu te rappelles d'eux ?
El Patron - après une pause, avec un éclair de reconnaissance Ce sont mes enfants
Ça m'a vraiment fait du baume au cœur de l'entendre répondre juste comme ça. Un vrai sourire étire mes lèvres, et je ne peux m'empêcher de le serrer dans mes bras, sentant une larme solitaire glisser sur ma joue.
El Patron - avec hésitation C'est parce que Said est devenu papa ?
Moi - en hochant la tête Oui. On va aller rencontrer ton petit-fils. T'es content ?
El Patron - en souriant Mon petit-fils
Je prends une profonde inspiration, me promettant de savourer ces moments précieux, même teintés de tristesse. Car tant que mon père est encore à mes côtés, rien ne pourra jamais vraiment m'atteindre.
Moi - en lui tenant la main Aller vient papa, on va te préparer. Le chauffeur va venir nous chercher dans pas longtemps
Puis, je l'ai aidé à se préparer également. L'aider à se laver est devenu une sorte de rituel pour nous. Je lui parle doucement, lui rappelant les souvenirs de ses exploits passés.
Moi - Papa, tu te souviens quand on habitait au Maroc ?
Il acquiesce parfois, et même si je sais qu'il ne se souvient pas vraiment, cela semble le rassurer.
Je l'aide à s'habiller, choisissant soigneusement ses vêtements préférés : une chemise en lin bleu ciel et un pantalon beige.
Moi - en ajustant son col Voilà, t'es tout beau papa
Il sourit faiblement, et mon cœur se serre de tendresse et de tristesse. Je fais exprès de répéter "papa" à chaque phrase pour qu'il ne se perde pas dans ce qu'il voit. Il faut qu'il se souvienne, ou du moins qu'il croit très fort, que je suis sa fille.
J'ai déjà vu mon père faire une grosse crise parce qu'il ne me reconnaissait pas et qu'il se demandait ce que je faisais dans sa maison.
Ensuite, je peigne ses cheveux blancs avec soin, essayant de retrouver l'apparence soignée qu'il a toujours aimée. Chaque geste est précis, presque cérémonieux, comme pour maintenir un lien avec l'homme qu'il était autrefois.
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Salwa - Bouteille à la mer
RomanceIl n'y a qu'à toi que je les compare, et je fais toujours les mêmes erreurs.