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Point de vue de Salwa

Alors que je m'acharnais à assembler les pièces éparses et à reconnecter les fils entremêlés, une rage sourde montait en moi. Je m'en voulais terriblement d'avoir un jour cru qu'Amir pourrait être quelqu'un de bien, de croire qu'il avait enfin mûri. Il avait même prononcé les mots "ma petite sœur" en me désignant, comme si ces paroles pouvaient effacer des mois et des mois de mépris et de cruauté.

Au fond de mon cœur, j'avais toujours nourri l'espoir secret qu'il me considérerait réellement comme une sœur, sans jouer le rôle du grand frère toxique, et que nous pourrions enfin trouver un terrain d'entente. Mais j'avais été naïve, aveuglément stupide, désespérément conne. J'avais l'impression qu'il me faisait de la sorcellerie. Ce n'est pas possible d'être aussi bête après tout ce qu'il a fait contre moi.

Comment avais-je pu tenter de légitimer quelqu'un qui avait essayé de tuer mon père, qui avait ôté la vie à mon enfant, et qui avait failli me tuer moi aussi ? Simplement parce qu'il était le frère de mes frères, devais-je le respecter, l'aimer, le considérer comme un membre de ma famille ?

Non, nous ne partagions pas le même sang. Les deux personnes qui nous reliaient n'étaient que mes demi-frères, et au final, cela ne signifiait pas grand-chose. Plus je pensais à lui, plus la haine se tordait en moi comme un serpent venimeux.

En manipulant un petit tournevis, mes mains tremblaient de colère. La pointe acérée glissa et entailla ma paume, laissant une trace rouge vif. La douleur physique, bien que cuisante, était un faible écho de la souffrance émotionnelle qui me consumait. En observant le sang perler et couler le long de ma main, je me fis la promesse solennelle qu'une fois sortie de cet enfer, je mettrais un terme définitif à son emprise destructrice.

Je n'hésiterais pas un instant à appeler la police. Je le verrais croupir en prison pour le reste de ses jours, payé pour chaque souffrance infligée. Le visage tordu par la haine, je serrais les dents et continuais mon travail, alimentée par la détermination implacable de le voir enfin puni.

Comme si sa présence constante dans mes pensées ne suffisait pas, il fallait encore qu'il se tienne là, devant moi, scrutant chacun de mes mouvements avec une minutie insupportable.

Toute la soirée, je sentais son regard pesant, une surveillance silencieuse qui rendait chacun de mes gestes conscient et maladroit.

Mais ce qui m'a véritablement intriguée, c'est ce moment précis où, en me coupant accidentellement le doigt avec la lame de mon tournevis, une goutte de sang rouge vif a commencé à perler et à couler lentement.

À cet instant, Amir s'est redressé brusquement de sa chaise, comme mû par une impulsion irrésistible. Ses yeux, d'un bleu glacial, se sont fixés sur la blessure, et un frisson étrange a parcouru mon échine, me laissant perplexe face à sa réaction inhabituelle.

Amir - en attrapant ma main blessée Ça va ? T'as mal ?

Moi - en arrachant ma main Lâche moi

Il a avalé sa salive bruyamment et s'est rassis sans dire un mot.

Puis, avec un geste lent, il s'est frotté les yeux comme pour chasser une vision troublante, avant de reprendre sa surveillance muette, me fixant avec une intensité redoublée alors que je continuais à préparer ma bombe, chacun de mes mouvements résonnant dans l'air lourd de tension.

Mais je n'arrivais pas à oublier le fait qu'il se soit levé de cette manière, sans réfléchir. Il s'était vraiment inquiété pour moi, malgré les circonstances dans lesquelles nous nous trouvions.

Salwa - Bouteille à la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant