Chapitre trente-trois.

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LANA DEL REY – 24














Des cris résonnaient dans tout l'immeuble, les voisins n'entendaient que cela. Ils se demandaient même s'ils ne préféraient pas entendre des gémissements suspects plutôt que ces cris arrachés venant de nulle part qui leur provoquaient même des maux de gorge à la place de la personne aux codes vocales d'acier. Ce calvaire durait malheureusement plusieurs heures. Ceux-ci ont tout d'abord pensé à une crise d'adolescence, vu que la personne en question était seule à crier, bien que plusieurs voix étouffées par le plâtre semblassent vouloir lui apporter de l'aide, en vain. L'impuissance était à son comble et cela entraînait bien évidemment la frustration malgré eux et les autres qui tentaient d'aider ce malheureux sans grand succès. Ces hurlements appartenaient à Sin, ces voix étouffées, c'étaient Einsam et Luiseva. Sin criait à s'en arracher les tripes, épuisait sa réserve d'air à s'en abîmer les poumons, jusqu'à en crever ; c'est ce qu'il cherchait à faire, d'ailleurs : crever. C'était la seule idée qui lui est venue en tête. C'était trop tard, il regrettait amèrement son acte irréfléchi, spontanément commis, il pleurait, il en pleurait, il en souffrait, il n'osait plus mettre un pied dehors, il n'osait plus affronter un seul écran, surtout s'il proposait plusieurs copies de son corps nu et faiblement sculpté.

















Il déambulait virtuellement sur la toile, sur Facebook, précisément, et en se rendant plus loin dans son fil d'actualité, il pouvait voir sa fameuse photo se perdre dans le profil des autres. Horrible vision pour les spectateurs, délicieuse pour les haineux, en lisant les commentaires déplacés qu'il a pu recevoir indirectement sur chaque profil qui proposait gratuitement son corps. Du plus poli au plus blessant et dégradant, il avait le choix de se vexer sous différentes formes. Les critiques le dégoûtaient de son corps, l'enlaidissaient, il ne se plaisait même plus un petit peu, lui qui était déjà complexé par ses formes disproportionnées. Il en est venu à haïr son visage, tout ce qui le composait physiquement, rien qu'avec des commentaires de vulgaires inconnus, parfois même d'étrangers, qui venaient d'autres villes, voire même, d'autres pays. La notoriété a monté en flèche pour le jeune Britannique qui ne s'attendait pas à un tel engouement combiné avec de la haine, de la méchanceté gratuite. Rien ne pouvait le rassurer, le consoler, le faire sourire, l'aider à voir le bon côté des choses ni même les mots doux de l'Allemand puis les bégaiements de l'Irlandais qui peinait à faire réagir son ami. Il était un peu plus que brisé. Définitivement, inéluctablement, assurément... Il était en miettes. Par peur, le châtain bloqua les messages, se mit hors-ligne pour pouvoir voir ce qu'il avait manqué ces derniers temps sans se faire remarquer et amasser un nombre massif d'insultes. Il tremblait de la tête aux pieds.

















- Sin ?




















Dans l'immédiat, l'interpellé clôt son ordinateur portable si violemment que l'invité surprise pensait qu'il naviguait sur des sites pour adultes. Suite à cet acte brusque et inattendu, il essuya ses yeux à l'aide d'un coussin qui traînait par là et le garda contre lui, dissimulant le bas de son visage. C'était Oxymore, et bizarrement, il ne semblait pas être venu pour l'importuner. Le lit s'alourdit automatiquement à cause du poids du plus jeune qui se rajoutât dessus. Une bouteille de vin à la main, un sourire qu'il s'est tué à retirer dans l'autre, il tendit la bouteille en direction de son interlocuteur.




















- Tiens.

- Merci, murmura-t-il.

















OxymoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant