Oxymore

Chapitre quarante-deux

Lana Del Rey - Afraid

Encore ce froid insupportable qui faisait trembler les plus insensibles. Les personnes les plus matinales pouvaient être intriguées à la vue d'un regroupement d'élèves à jeter des regards de droite à gauche, plus ou moins perdus. Des groupes étaient formés dans des groupes et chacun pouvait facilement être distingué. Les filles avec les filles, les garçons avec les garçons, les rats de la bibliothèque ensemble ainsi que les plus à l'Ouest étaient regroupés pour être perdus ensemble... Chacun avait sa place au final. Les quatre professeurs regardaient autour d'eux jusqu'à apercevoir leurs familles respectives. Madame Becker tenait sa petite fiche avec les noms des familles, avec à côté les prénoms des élèves qui allaient être répartis en plusieurs groupes, jetant des brefs regards çà et là. Monsieur Daniels tremblait à chaque brise qui le caressait de façon abusive. Madame Garcia papotait avec les élèves les plus enclins à la discussion, elle apprenait à les connaître, elle délivrait quelques anecdotes en tant que lycéenne pour leur faire oublier le froid, les faire sourire, voire rire. Madame Garcia était la plus jeune des professeures dans le lycée, elle a donc plus de facilité à se lier d'amitié avec les étudiants.

Quant à madame Lacore, celle-ci restait auprès du seul mâle enseignant. Non pas parce qu'une tension sexuelle pesait lourdement entre deux, loin de là, bien que ce soit le cas, ils savaient ne pas mélanger amour et travail ; c'était plus parce que cette dernière n'était pas vraiment proche des autres. Il n'y avait qu'avec Monsieur Daniels qu'elle parvenait à s'entendre. Elle n'osait pas vraiment se mélanger aux autres à cause de ses difficultés d'élocution, elle n'aimait pas être la risée d'un groupe. Elle avait confiance en monsieur Daniels et personne d'autre.

De temps en temps, la bise se levait sans qu'on l'ait demandé et sa manifestation se faisait un peu trop sentir auprès des adolescents qui râlaient davantage. Certains se plaignaient auprès des enseignants, oubliant le fait que ce n'était aucunement leur faute et qu'ils ne pouvaient rien faire pour arranger cela, d'autres geignaient dans leur coin, sans déranger qui que ce soit comme d'autres faisaient un mélange des deux : ils se plaignaient seuls, mais si bruyamment que le trio d'adultes pouvait les entendre, mais ils ne pouvaient rien faire.

Les familles étaient enfin là. Les plus à l'aise adressaient des signes de la main assez dynamiques, certains trouvaient même la force de s'exclamer pour attirer l'attention de Madame Becker. Ce ne fut pas un échec. Celle-ci se retourna pour affronter les nombreux regards qu'elle devra mémoriser, elle s'approcha d'elles avec son troupeau, un grand sourire sur ses lèvres nues, toutefois abîmées par le froid et elle brandit sa feuille. Cette tâche dura moins de dix minutes. Parfait. Ils pourront rentrer chez eux plus rapidement, c'est ce que tout le monde voulait, au final. Bien que leur culture soit différente, leur envie était la même. Les filles n'étaient qu'avec les filles, comme les garçons n'étaient qu'avec les garçons. Par mesure de sécurité. Il est temps de dire au revoir aux professeurs, il est temps de vaquer à ses occupations, il est temps que Madame Becker, Madame Lacore, Madame Garcia et Monsieur Daniels retrouvent leur famille eux aussi. Il n'y avait plus personne excepté une jeune femme qui n'était pas visible depuis le troupeau. Elle n'a pas bougé d'un centimètre, elle a simplement attendu que tout le monde parte. Étrange qu'elle ne se soit pas présentée plus tôt, mais peu importe.