Chapitre quarante

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Serge Gainsbourg - Initials BB 



Hormis des bouts de verre brisés, semblables à des flocons de neige subissant une attaque massive de rayons de soleil, de cris incessants et de larmes ruisselantes, ce fut une journée banale pour le groupe d'étudiants. Sans changer leurs bonnes vieilles habitudes, chaque protagoniste restait fidèle à son poste, tentant de reprendre le train-train quotidien, tentant vainement d'oublier qu'ils étaient en cavale. L'un n'osait rejoindre l'autre, l'autre n'osait  regarder l'un... L'ambiance était palpable au sein du groupe. Se demander qui était l'auteur de cette mascarade était inutile.



Pourquoi un tel acharnement ? Pourquoi s'en prendre au mobilier qui n'a rien demandé ? Personne ne savait. Enfin, si, tout le monde le savait. Parce que, se défouler sur quelque chose d'inanimé, est la première réaction que l'on a en cas de colère excessive. On s'en prend toujours au plus faible, même inconsciemment, on veut étouffer les pleurs, les plaintes qui peuvent nous porter préjudice, on veut toujours s'attaquer à celui qui ne peut pas crier à l'aide, parce que c'est celui qui se défoule le plus souffrant. Peut-être que oui, peut-être que non. Pourquoi s'en prendrait-il physiquement ou bien verbalement envers autrui s'il n'a rien ? Au final, il y a toujours une raison. Il y a toujours une réponse à tout. De la plus vague à la plus précise, de la plus stupide à la plus rationnelle. Il n'y a jamais de mystère, tout se sait tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre. C'est un fait.




Pendant que Sin et Gemma ramassaient péniblement les bouts de verre, même les plus discrets, Oxymore jouait aux cartes, Einsam regardait par la fenêtre avec nostalgie, Opium était dans la salle de bain, probablement avec un billet enroulé et une carte, certainement avec celle qu'Oxymore peine à trouver dans son jeu, mais il tente de passer outre. Luiseva ? Il pleurait. Ce qu'il y avait de surprenant ? Il pleurait de rage. Il ne pouvait s'en prendre aux murs en frappant dedans, quitte à se blesser les phalanges, il ne pouvait étouffer ses hurlements dans un coussin, quitte à abîmer sa voix déjà si peu entendue, il ne pouvait s'arracher les cheveux, quitte à en laisser des trous sur son crâne, il ne pouvait rien faire, car il était impuissant. Alors que celui-ci était le protégé du grand bouclé, le concerné a préféré croire sa sœur qui n'était même pas reliée à lui biologiquement. Aucun lien de sang, aucun lien de parenté, juste un lien mystérieux et fort, qui les unissait tous les deux. Parfois ce lien se brisait pour laisser place à une haine injustifiée, et quelquefois il se recréait grâce à l'amour. Ce mystérieux lien le rendait malade.




Alors que ce bruit répétitif que produisaient les bouts de verre lorsqu'ils atterrirent sur la petite pelle en plastique cessa de résonner dans leurs oreilles, la voix rauque d'Oxymore cala un blanc aussi pénible que l'ancien.



- A quoi tu penses, Einsam ?



Ce dernier ne prit pas la peine de se retourner, il n'en voyait pas l'intérêt. Il savait déjà que le regard de son interlocuteur était posé sur lui, d'une manière oppressante, comme s'il attendait quelque chose en particulier de lui. Cette insistance lui fit rappeler une mauvaise période qu'il connaissait un peu trop à la sortie du lycée.

OxymoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant