Dans la peau d'un homosexuel.

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ARIANA GRANDE - Into You




Le froid du carrelage mural me refroidissait complètement l'échine et en temps normal je me serais retiré tant la froideur me gênait et était désagréable. J'étais pensif sans me rendre compte que je gaspillais de l'eau pour rien, elle ne me touchait même pas. Je regardais mes pieds sans les regarder, je me douchais sans vraiment le faire, je faisais partie de la surface terrestre sans en vraiment faire partie et j'aurais vendu mon âme au diable pour vraiment la quitter, pour de bon. J'étais tellement serein que je pourrais dormir sous la douche, et cela m'aurait évité un jour de cours, d'habitude, j'aurais jubilé à l'idée de reprendre les cours, car j'adorais ça, j'aurais accepté de bosser pendant huit heures. J'aimais bien les jours de reprise, les gens avaient l'air en quelque sorte heureux, heureux de revoir leurs amis, pressés de raconter ce qu'ils ont vécu pendant ces jours de repos, mais j'étais convaincu que l'un des seuls à être heureux d'être de retour au lycée pour apprendre c'était moi. J'ai constamment soif de savoir.



 Mes pensées encombraient tellement mon esprit qu'elles l'avaient incité à décrocher pour me laisser emporter une deuxième fois par les bras de Morphée, qui devait en avoir marre de ma présence. Je dormais tellement, qu'il devait tout savoir sur moi et voulait me jeter pour de bon. 




- Sors de là, bordel ! T'es pire que moi !




Je n'avais pas besoin de me poser la question, ces beuglements étaient bien ceux de ma petite sœur, qui, depuis qu'elle a été informée au sujet de mon homosexualité, pensait que je serais plus sensible donc je me soumettrai à elle sans répondre quoi que ce soit sans me défendre, mais avant qu'elle le sache, elle me respectait et me craignait, comme une vraie terreur. Pour elle, être homosexuel, c'est être faible. Je coupai l'eau et recouvris mon frêle corps d'une grande serviette moelleuse qui me donnait davantage envie de me rendormir tant celle-ci me faisait rappeler la chaleur agréable de mon lit douillet ; mes yeux se refermèrent automatiquement sans que je leur aie donné l'ordre. Lorsque j'ouvris la porte, la vision horrible qui s'offrait à moi me donnait envie de fermer les yeux pour toujours: ma sœur. Ses grands yeux mal réveillés me scannèrent de haut en bas puis elle secoua la tête de droite à gauche, laissant un soupir exagéré se faire entendre, si elle pensait m'intimider, elle avait tout faux.




Je traînai des pieds en maintenant ma serviette contre moi, me dirigeant vers ma chambre, là où une douce brise vint me chatouiller l'épiderme. Et cette petite fraîcheur me donnait envie de m'effondrer sur mon lit pour me réchauffer, elle me donnait envie de me rendormir, peut-être pour toujours. Une petite voix suraiguë m'interpella plusieurs fois, d'un ton plaintif, comme si cette voix me disait indirectement de l'aider, mais il n'y avait personne dans ma chambre, c'était encore un coup de la fatigue, le pire, c'est que j'y ai cru... Il fallait vraiment que je me repose.



Oh ! Et puis merde, demain il y a toujours cours.




Mon corps bénissait mon cerveau d'avoir enfin pris l'initiative de se reposer sur ce matelas si confortable et chaud, mon corps bénissait mon cerveau de lui avoir ordonné de prendre la couverture pour me couvrir, mon corps remerciait mon cerveau de m'avoir fait fermer mes yeux.




J'étais si bien. Dormir était une activité qui ne requérait aucun effort et qui faisait beaucoup de bien, je me délectais de chaque seconde de pré-sommeil avant que mon cerveau lâche tout pour pouvoir, lui aussi, se reposer. Mes pensées se laissaient envahir par des nouvelles, bien plus fantastiques et merveilleuses, bien plus irréelles, bien meilleures. Mon visage s'enfouissait délicieusement dans l'oreiller dosé convenablement de plumes blanches, mon corps échangeait un contact très intime avec le matelas que personne ne pouvait comprendre, je ne faisais rien, mais j'adorais ça, j'adorais dormir, c'est ce que je faisais le plus lorsque je n'avais rien à faire, après avoir fini d'étudier, bien-sûr, malgré ma flemmardise, j'étais tout de même un bon élève. Mais j'avais constamment besoin de dormir. J'étais atteint de narcolepsie et ça devenait de plus en plus handicapant. Cette maladie, autrement appelée maladie de Gélineau était un trouble du sommeil chronique ou dysosmie rare. Elle était caractérisée par un temps de sommeil excessif. Je ressens, tout le temps, une extrême fatigue et je peux m'endormir involontairement, à tout moment, même dans un lieu non adapté, comme au lycée (ce qui est arrivé plusieurs fois), ou dans la rue. Mes parents n'ont jamais compris cette maladie et pensaient que je faisais des recherches exprès pour leur faire croire à ma prétendue maladie. Les professeurs étaient du même avis que mes parents. Je pouvais me coucher à quatre heures de l'après-midi, me réveiller le lendemain, à la même heure, dans dix minutes, je ressentirais encore l'envie de dormir profondément, j'étais paré à dormir des heures entières sans m'arrêter, je sentais mes membres se paralyser et mes sens me quitter, je ne sentais plus rien, et qu'est-ce que c'était bon de ne plus rien sentir, d'être insensible.




- Allez, debout, la belle au bois dormant.




Tout s'est brutalement arrêté pour moi, tous mes rêves se sont détruits d'un coup, comme un château de cartes détruit par un souffle, comme un torrent de sang qui dévale le long de notre peau rien qu'avec un frôlement d'une lame, comme un électrochoc conduisant la mort rien qu'en frôlant un fil électrique, tout s'est effondré rien qu'avec des paroles, je ne voulais pas y croire, je ne voulais pas croire le fait que quelqu'un m'ait parlé pour que je me réveille, il n'avait pas le droit, j'avais besoin de sommeil, j'avais besoin de m'enfuir, j'avais besoin de ne rien sentir. J'avais besoin de tout pour rien. Je ne faisais rien pour penser à tout.




- Il est carrément dans le coma.

- Allez, debout !

- On va être en retard à cause de lui.




Einsam, Luiseva, Opium, et... Oxymore. Ils me parlaient, pratiquement tous... Sauf lui. Oxymore ne parlait jamais, Oxymore était le plus calme, mais il avait l'air fou, au fond, c'est ça qui me plaisait chez lui, on ne l'a jamais connu au fond, mais le fond parlait pour lui. Mes yeux refusaient de s'ouvrir, en revanche, mes oreilles étaient déjà bien prêtes à écouter tout et n'importe quoi, tant que c'était à proximité. Mon corps sentit une sorte d'enfoncement, un poids assez lourd s'est rajouté sur le matelas, puis mes cheveux encore humides ne me chatouillaient plus le visage comme ils avaient l'habitude de le faire lorsque j'avais la tête à moitié enfouie dans mon oreiller, quelqu'un les rejetait en arrière, mon front sentait des anneaux le frôler, un souffle chaud me réchauffait, une voix me murmura :



- Sin, réveille-toi.




Cette voix rauque, cette voix suave, ce murmure qui me fit frissonner de tout mon être, mes yeux qui aperçurent le plus beau visage que je n'ai jamais vu, ce visage joliment dessiné, tous ces petits gestes étaient de lui.




Oxymore. Oxymore a enfin parlé.


OxymoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant