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PDV Vic

J'entre dans mon cabinet.

J'ouvre la porte de mon bureau.

J'allume la lumière, celle tamisée qui se trouve sur le buffet.

Je retire mes chaussures et j'apprécie alors la duveteuse moquette.

Je jette mon sac sur le sofa des angoisses.

Dehors, les buildings environnants sont éclairés.

J'ai le moral à zéro.

J'ouvre le mini bar.

Je sais que j'ai sans doute une bouteille de gin qui traîne, datant d'un apéro qui remonte à des lustres.

Un verre.

Un Prozac.

Une gorgée.

J'attends.

Je sirote mon verre en essuyant mes larmes timides.

Mes pieds sur le bureau, je me courbe vers mon tiroir à dossiers.

Je sors celui de Liam.

Les dossiers psychiatriques sont de nos jours très complets.

Etant psychanalyste affiliées aux hôpitaux de la ville, tous les patients que je suis sont obligatoirement passés par leurs services avant d'atterrir chez moi. On m'envoie donc leur passif confidentiel. Certaines personnes ne se doutent même pas qu'ils ont un dossier aussi fourni que ceux de la CIA et du FBI réunis... Secret professionnel.

Ils contiennent des copies officielles des fiches d'état civil des patients, de leurs cartes d'assuré social, et toutes les traces de leur vie médicale et presque sociale, en somme.

Je ne m'embarrasse que rarement de ce genre de détails.

Tous les psys sont pareils.

Ils ne font que survoler ce genre de documents, trop empressés à explorer le fond des choses.

« Liam Jérémy Kerrigan né Liam Jérémy Wilson Kerrigan le 26 décembre 1990 à Baton rouge, Louisiane, de Constance Wilson Kerrigan et de Jonathan Gordon Wilson. »

Quelle conne.

Tout est vraiment dans son dossier.

Il porte le même nom que son frère, mais il a fait officialiser celui de sa mère à l'état civil.

« Fratrie : Steven John Wilson, né le 3 novembre 1988 à Hemel Hampstead, Arizona, de Constance Wilson Kerrigan et de Jonathan Gordon Wilson ».

Une gorgée de gin, encore.

Dossier psychiatrique scolaire :

« Il semble que l'enfant présente des symptômes plus ou moins variables de persécution. Les tests effectués en graphie et travaux artistiques révèlent une prédisposition aux schémas familiaux conflictuels latents (voir dessin joint). L'enfant fait preuve d'une motricité excellente dans le tracé des fondamentaux. Son imagination est très développée, mais le médecin s'étonne de la prédominance unique de trois couleurs dans ses dessins : le noir, le rouge et le blanc ».

Le croquis joint représente une maison noire, et un soleil rouge.

Dans la maison, la mère et le père tiennent la main d'un autre garçon qui porte des lunettes. Steven sans doute. Liam ne se représente pas dans la maison avec sa famille mais à l'extérieur, dans le jardin, sous un arbre. Une espèce de boule avec des pics se trouve à ses côtés sous l'arbre. On dirait un autre soleil mais il est noir, c'est bizarre.

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