Le manoir et leur troisième rencontre

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Sans attendre son reste, elle le suivit comme une souris apeurée. Elle résista à la tentation de porter son regard sur chaque millimètre carré de la baraque. C'était tentant. Elle se concentra sur le bout de ses chaussures. Le sol était recouvert de tapis sombres et de nombreux miroirs les entouraient. Elle n'était pas sûre d'aimer ce qui se reflétait dans ces miroirs. A première vue, les meubles en bois clair poli ne laissaient pas présager un repère de rock stars. A quoi s'était-elle attendue exactement ? A des bougies de partout, une maison vampirique et de l'encens pour faire disparaître les odeurs d'alcools et de drogues dures ? Il était vrai qu'un genre de manoir gothique l'aurait moins surprise. Un raclement de gorge l'arracha de ses réflexions.

- Vous venez chercher un papier, c'est bien ça ?

Elle hocha la tête. Tout ceci était bien cérémonieux pour une aussi petite tâche.

- M. est ici n'est-ce pas ?

Le manager, qui avait de plus en plus les allures de majordome ou de propriétaire qui lui faisait faire la visite de la demeure ne lui répondit pas. Elle regretta aussitôt d'avoir posé la question. Mais elle n'en eut même pas le temps. Le pitbull ouvrit une porte qui donnait sur un salon. Deux gars étaient assis avec une nonchalance exceptionnelle à côté d'une silhouette qu'elle identifia comme étant M. Lorsqu'il les vit, il se leva d'un bond souple en déployant d'un coup ses longs membres fins. Il lui adressa un sourire entendu qui signifiait 'on se connait... ne vous inquiétez pas , j'ai le papier' et il fit un signe de tête aux deux autres ainsi qu'au majordome qui voulait dire 'je reviens, restez ici, je n'en ai pas pour longtemps !' Elle se retrouva donc seule avec lui, dans le couloir d'un grand manoir.

- Je vois que vous ne vous êtes pas perdue, commença-t-il d'une voix amicale.

Elle sourit. Elle se sentit nettement plus à l'aise qu'avec le majordome-pitbull.

- En effet !Mais c'était juste, répondit-elle sans cesser de sourire.

Il ressemblait à un corbeau-humain qui se serait égaré dans le monde des hommes. Tout vêtu de noir, les mains gantées et enveloppées de noir-bleuté. Ses yeux noisette entourés de noir. Mais que faisait-elle là ?

- Je suis désolé de vous avoir fait déplacer. Ce n'est vraiment pas convenable...et déplacé.

Il lui tendit les fameux documents qu'elle saisit comme si c'était des œufs en or.

- Au moins là, le dossier sera convenable !

Il esquissa une sorte de grimace tordue qu'elle interpréta comme de la gène.

- Oh ne vous en faîtes pas pour le déplacement, poursuivit-elle en déposant délicatement les documents dans sa malette. Ca fait parti de mon boulot et ce n'est pas désagréable de venir.

- Je vois !

Elle remis nerveusement une mèche de cheveux derrière l'oreille.

- Oui, c'est un beau spécimen que cette maison !

Il élargit son sourire- si c'était possible.

- Décidément, vous respirez vraiment l'optimisme.

- Pas vous ?

- Je suis un éternel pessi-optimiste.

- Pas mal tourné.

- Merci. Mais je suis sérieux.

- C'est triste.

- Vous trouvez ?

- Oui, si je le dis !

- Quel est votre secret ?

Il avait l'air sérieux. Ses pupilles paraissaient plus sombres que les pupilles de n'importe quel autre homme. Elle tenta d'avoir l'air aussi sérieux.

- Je n'en ai aucun, dit-elle enfin.

- On en a tous un.

- Eh bien... non, j'ai beau chercher, le seul secret que je semble conserver est le fait de ne pas savoir expliquer l'origine de mon optimisme. Parce qu'en fait, je n'en ai pas.

- Là, je décèle un mensonge.

Elle se rembrunit légèrement.

- Loin de là, hélas ! En fait, plus je me sens l'âme d'une pessimiste, plus je me sens obligée de voir le verre à moitié plein pour couvrir ce que je ressens vraiment.

- Vous êtes donc une pessi-optimiste aussi. Vous créez vos propres barrières imaginaires en tentant d'y croire.

- Vous prêchez une convertie.

Il fit un demi sourire. Elle avait oublié l'identité de celui à qui elle s'adressait.

Elle essaya de dissimuler sa surprise et son plaisir. Et le fait qu'elle ne voulait pas que cette conversation prenne fin.

- Vous connaissez donc mes titres, dit-il en faisant une mimique qui signifiait 'changement de sujet'

- Seulement certains, rectifia-t-elle.

Il opina du chef.

- Et ils sont très biens, j'aime beaucoup, s'empressa-t-elle d'ajouter. J'en ai encore quelques uns à couter pour parfaire ma culture !

- Ca vous dirait de rester un peu plus longtemps ? Enfin seulement pour la répétition, je veux dire.

Elle sourit, puis une ombre passa dans ses yeux.

- J'ai d'autres rendez-vous pour le travail, je ne peux pas rester plus longtemps.

Il ne cessa pas de sourire.

- Ca ne vous arrive jamais de dépasser les bornes, de faire tomber mes barrières ?


The unspeakable story(Marilyn Manson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant