The unspeakable story(Marilyn Manson)

Rendez-vous pour se rendre compte?

Elle avait répondu. Elle avait accepté de le voir. Il se répétait ça dans sa tête comme ce genre de chanson qui a un effet de piqûre d'adrénaline. Il se sentait comme un petit garçon désenchanté à qui on avait promis monts et merveilles. Et qui était promis à un avenir incertain. Les propres contours de sa relation avec elle avaient été si incertains qu'il ne les voyait plu. C'était comme s'il avait vécu bien au chaud, en passager d'un rêve qui ne lui appartenait pas vraiment ces dernières semaines. Il voulait récupérer ses rêves. Il se souvint ses débuts, où tout semblait flou et fragile. Fallait-il qu'il bâtisse tout à nouveau ? Qu'il fasse ses preuves pour atteindre une réussite tant espérée ? C'était différent. Cette femme n'était pas une carrière. Et sa carrière dépendait de cette femme parce qu'il se sentait trop mal sans elle. Mais il ne venait pas la voir pour sa carrière. Sa vie de chanteur et d'artiste, il s'en foutait. Ce qu'il voulait là, tout de suite c'est faire disparaître ce mal-être pesant dont il ne pouvait pas se débarrasser.

- T'as vraiment une sale gueule, lui souffla son ami.

Il n'eut aucune réaction. Il ne réagissait plus à rien. Il n'avait plus aucune émotion. Il s'en faisait presque pour sa santé mentale.

Et puis, il voulait être seul. La seule raison pour laquelle il avait laissé entrer son ami était qu'il avait peur de se retrouver seul avec ses pensées et cette culpabilité aliène. Il avait toujours eu besoin de bruit, de mouvement. La radio, la télé, n'importe quoi, mais un fond bruyant. Il se leva d'une façon peu gracieuse pour son long corps et alluma son tourne disque de vinyles. Son ami secoua lentement la tête de droite à gauche en signe de désapprobation. Il ne dit rien mais son regard en disait long. Il attrapa juste deux bières en en léguant une à M. en haussant les sourcils l'air de dire simultanément ' t'es qu'un pauvre con' et ' t'as intérêt à mieux te comporter si tu ne veux pas la perdre' et aussi 'vas-y noies toi dans ta bière, c'est tout ce que tu mérites'. M. augmenta le volume du lecteur comme pour noyer ses propres pensées. C'était lâche. Tous ses gestes étaient devenus à ses yeux des gestes de lâcheté, de faiblesse. Il posa la bouteille de bière qui fit 'cling' en heurtant la petite table. Twiggy posa la sienne et dit :

- Mais putain baisse le son ! Je ne m'entends plus penser !

Il s'en voulut encore plus. Son frère aussi en avait marre de son attitude. Il en était exaspéré. Il se vautra dans ce fauteuil rouge vintage dont il était fier. Mais ce jour-là cet objet était témoin de son désarroi et de son angoisse. Il le voyait pitoyable et impuissant. Il se leva à nouveau comme si ce geste allait changer le cours des choses. Twiggy fondit sur lui et lui postillonna presque au visage :

- Maintenant tu vas te bouger les fesses et tu vas ramener coûte que coûte cette femme dans ta vie, c'est bien clair ?

***

Une tenue simple. Elle avait enfilé une tenue classe comme à son habitude mais assez confortable pour ne pas faire 'rencard'. Enfin si. Elle avait passé sur son corps frêle une chose assez élégante pour qu'il la garde en mémoire avant qu'elle ne disparaisse définitivement de sa vie. Qu'il ne l'oublie pour toujours ? Elle ne savait pas si elle en avait réellement envie. En réalité, elle voulait laisser une empreinte indélébile dans son esprit comme celle qu'il avait laissée dans le sien. Comment avait-il pu profaner son esprit, violer ce qu'elle pensait de meilleur à son sujet ? Il avait lacéré, torpillé la seule étincelle qui voguait dans sa tête. Elle n'était pas prête à lui pardonner. Mais le fait de le voir prouvait une chose qu'elle ne pouvait nier : elle n'était pas contre le fait qu'il revienne dans sa vie. Elle secoua la tête et une mèche sombre fouetta son visage. Elle ne devait pas se faire autant d'illusions qu'au début. Ces mots qu'il avait écrits étaient peut-être une formule aussi efficace et redoutable que les meilleurs titres de ses chansons.