Mise à nu

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En sous-vêtements, démaquillée, elle n'attendait plus rien. Elle était libre. Elle était enfin libérée de lui parce qu'elle avait été déçue. Dans toutes ses précédentes relations, il avait suffi d'une moindre déception pour qu'elle se détache de son amant. Parce qu'elle savait que c'était les petits détails qui étaient les plus révélateurs, les plus éloquents dans leur révélation. Comme ces petits messages d'Helen. En réalité, Ma avait allumé une flamme de doutes en elle. Le smartphone de M. avait tout confirmé et elle remerciait le ciel d'avoir guidé sa main curieuse et avide vers ce petit engin. Sinon elle aurait toujours été baignée dans ces illusions et ces idéaux stupides.

Lorsque son propre portable vibra, elle ne savait que penser. Fallait-il se réjouir ou au contraire être effrayée ? Elle fut tentée de le repousser, de répondre qu'elle ne voulait plus jamais le voir. Mais elle ne répondit rien. Aucun message en réponse à ce sms pressant et désespéré. Elle éprouva une sorte d'esprit revanchard et eut un malin plaisir à rester silencieuse. Il n'avait qu'à faire la route jusqu'à chez elle, elle le laisserait dehors, pour qu'il puisse ressentir cette même pointe au cœur, ce même malaise constant qu'elle éprouvait. Elle se mordit la lèvre. Finalement, elle n'était pas si différente de lui. Elle aimait infliger la souffrance. Combien de temps lui aurait-il encore caché sa liaison ? Ou ses liaisons ? Jusqu'à lui infliger le coup de grâce... Non, elle ne souhaitait décidemment pas renouer avec cet homme qui allait l'attacher pour la décevoir à nouveau un peu plus tard... La sonnerie de l'interphone la fit sursauter. Il n'y avait pas de doute à avoir, à cette heure-ci. C'était lui. Elle ne bougea pas, comme un enfant qu'on aurait découvert lors d'une partie de cache-cache. Deuxième sonnerie. Elle resta impassible mais son corps ne suivait pas le mouvement. Il était bien vivant et bondissant dans sa poitrine. Sa cage thoracique était à deux doigts d'exploser. Une partie de son cerveau voulait qu'il s'en aille sur le champ et l'autre le supplier d'appuyer encore sur la sonnette comme un bandit condamné sur la gâchette. Autre cartouche. Troisième sonnerie. Son cœur continuait de battre à tout rompre. Elle voulait qu'il entre et qu'il s'en aille ensuite.

Quatrième essai. Elle retint sa respiration, et, en apnée, elle pressa la touche qui permettrait M. de la rejoindre. Elle enfila rageusement et à la hâte un peignoir en soie qui mettait en valeur sa silhouette longiligne. Ce corps qu'il ne pourrait plus atteindre à présent. Elle était au deuxième étage. Il ne mit pas plus de dix secondes pour se présenter sur le pas de sa porte. Dans le judas, elle observa son judas. Elle nota qu'il était cerné. Elle en ressenti une vague de satisfaction. Il tapa deux petits coups rapides, entêtés, malheureux. Elle attendit un peu puis ouvrit en laissant la chaîne de sécurité. Il paraissait encore plus grand et maigre que lors de leur première rencontre. Ses yeux vifs avaient perdu de leur éclat et semblaient minuscules dans la pénombre. Ses lèvres étaient rose pâles et tremblaient. Elle tenta de ne pas faiblir et resta stoïque. Une statue de froideur devant un homme au bord du précipice. Elle ne pipa mot. Elle décida d'attendre à nouveau. Attendre, et le regarder se décomposer tout seul. Rester indifférente.

***

Un mur. Il se trouva devant une femme muraille. Il se demanda si une porte close n'aurait pas été plus satisfaisante. Elle n'ouvrit pas la bouche. Elle tenait farouchement close, mais ses yeux en disaient long. Elle n'était pas disposée à lui parler, seulement le voir s'empêtrer dans des explications stériles. Il ne fut pas découragé. Il eut un regain de détermination. S'il devait enfoncer son cœur pour enfoncer cette foutue porte avec sa chaîne de sécurité, il était prêt. Après tout, il venait quand même à une heure tardive sans être invité. Il n'avait absolument rien à perdre. Un frisson chaud le parcourut. Si. Il avait tout à perdre. Alors il avait tenté un acte de désespoir. A situation désespérée, solution tourmentée.

- Je t'en prie, souffla-t-il d'un ton implorant


The unspeakable story(Marilyn Manson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant