Colossale Tokyo. Majestueuse Tokyo. Chacune des particules de son corps glorifiait la cité asiatique qu'elle foulait du pied pour la première fois. Elle avait toujours aimé cette métropole illuminée par une multitudes d'enseignes néons multicolores et à la vie intense et rapide. Elle faisait écho au halo de lumière qui semblait l'habiter dorénavant. Seulement elle ne parvenait pas à cesser de penser à ce boss dont elle avait usé la sympathie. Elle l'avait utilisé. Elle avait abusé de sa confiance. Elle sentait qu'à chaque fois qu'elle profitait de la vue, elle trahissait davantage le boss. Elle regardait le sommet d'un building qui était deux fois plus grand qu'un gratte-ciel américain et elle avait l'impression de torpiller l'assurance qu'il avait placée en elle. Elle savait que ce sujet de discussion agacerait M. Et puis après tout, ça l'agaçait aussi. Pourquoi n'était-elle pas capable d'apprécier et de profiter de ces précieuses minutes ? Elle culpabilisait même de culpabiliser. La capitale étincelante devenait une ville monstre, déformée par son anxiété. Elle voyait les voitures et les gens qui erraient en masse dans les rue comme des milliers de petits vers lumineux. Le quartier de Ginza était si mouvementé, électrifié, grisant. Elle se sentait comme une petite fourmi observant les faits et gestes du haut d'une montagne. Le manager de M. lui avait réservé une chambre d'hôtel qui ressemblait à un petit appart. Elle trouvait cela d'autant plus généreux et rageant pour son boss. Elle soupira, ne sachant si elle devait s'en réjouir.
M. avait été délicat. Il ne voulait pas l'obliger à faire quoi que ce soit, à trop se rapprocher si elle n'en avait pas envie. Elle avait trouvé cette galanterie très fine et distinguée.
' C'est un stratagème !' aurait hurlé Ma.
Mais elle ne voulait pas rompre le charme mystérieux du séjour. Et puis, M. était là avant tout pour sa tournée.
' C'est faux, fit la voix de Ma dans un coin de sa tête, il t'a emmenée là pour mieux te subjuguer !'
Envoûtée, elle l'était déjà. ' A moitié' se disait-elle pour se rassurer. L'appartement était entièrement vitré. Quels voyeurs, ces japonais ! Elle adorait ce pays. Elle adorait cet endroit. Et elle aimait par-dessus tout profiter de quelque chose qu'elle ne méritait absolument pas, se disait-elle.
***
Trois dates au Japon. Le charme nippon le fascinait. Et le public... ce public ! Tant d'enthousiasme, c'était grisant comme une bonne gorgée d'absinthe en plein désert. Il n'était jamais fatigué après une représentation. Il était épuisé avant de la faire. Finalement, c'était l'idée de l'épuisement qui le consumait. Il détendit ses épaules. Il allait fermer les yeux pendant cinq minutes, faire un brin de toilette et retourner la voir. Il craignait tellement qu'elle ne se lasse de ces concerts qu'il repoussait un peu le moment où il devrait à nouveau croiser son regard sombre. Elle avait constamment l'air enjouée et malheureuse à la fois. Il n'avait jamais vu autant d'optimisme et de mélancolie chez une femme. Avec elle, il vivait sur une constante montagne russe aux chutes vertigineuses et aux montées ensorcelantes. Son ami interrompit ces fabuleuses pensées sur les attractions. Il n'avait pas frappé.
- Alors !
Celui qu'il considérait comme un de ses meilleurs amis avant d'être un bassiste de renom était là, au milieu de sa suite comme s'il s'été soudainement téléporté. Il était toujours heureux de le voir, ce joyeux luron aux cheveux mi- longs mais il aurait aimé être porté plus loin dans ses pensées, faire voguer ses idées à l'horizon. Mais elles avaient pilé au rivage devant le regard malicieux de Twiggy. A cet instant, il avait davantage l'air inquiet que plaisantin.
Il se retint de demander inutilement un 'Alors quoi ?' Décidément, il détestait qu'on l'arrache du monde tumultueux qui était niché dans sa tête.
- Tu laisses seule ta bien aimée ?
Il voyait dans ses yeux qu'il adorait le surnom qu'il avait naturellement donné à la jeune femme. Exactement comme s'il s'attribuait le mérite de leur réunion. Il en fut un peu mécontent, même s'il savait qu'au fond, c'était ridicule.
- Je veux qu'on prenne notre temps, répondit-il d'un ton plat.
- Ce n'est pas quelque chose que vous avez décidé d'un commun accord, dit son ami en secouant exagérément la tête d'un air exaspéré. Je crains qu'elle ne te donne tort !
Il savait que son ami avait raison. Et ça l'énervait. Qu'est-ce qu'il aurait aimé le faire partir avec cette vérité trop crue à entendre...
- C'est comme ça, c'est ainsi.
Son air bougon n'effraya pas le grand brun d'humeur collante.
- Tu as fait mieux, comme répartie...
Il fit une pause, puis :
- Me dis pas que tu en as pas envie...
L'entendre dans la bouche de son ami fit bondir son ventre mais il fit de son mieux pour le cacher. Oui, il avait envie d'aller plus loin avec la jeune femme. Et oui, il souhaitait plus que tout que cela devienne sérieux. Alors qu'est-ce qui l'arrêtait ?
- Fermes la, grogna-t-il
Twiggy fit pivoter un tabouret d'un air espiègle.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Je ne vois vraiment aucun problème valable et...
- J'ai peur de tout foirer, coupa M.
Son ami s'interrompit et le fixa sans rien dire, attendant qu'il se livre. Il le connaissait si bien. Le harceler de questions ne servait à rien. Il fallait juste être patient avec lui pour qu'il sorte de sa coquille-chape de plomb.
- C'est quelqu'un de bien. Je veux pas la gâcher.
- Ecoutes vieux, c'est exactement ce que tu es en train de faire. Elle va finir par croire que tu te désintéresse d'elle et elle finira avec un mec banal qu'elle n'aimera pas et qu'elle épousera par convention.
M. se leva et fit les cent pas.
- Elle est... loin d'être banale.

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The unspeakable story(Marilyn Manson)
FanficHistoire qui pourrait bien être vraie. Il est une rock star made in USA depuis sa prime jeunesse. Ultra médiatisé, ses concerts interdits dans certains états, des backstages transformés en orgie, une réputation de sataniste et un look ténébreux qui...