Juste une signature de contrat.

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- Voilà, tout est prêt ! Il ne manque que votre signature.

M.M lu rapidement les termes du contrat puis s'exécuta. Voilà. C'était aussi rapide que ça, acheter une maison. Une acquisition aussi prompte qu'un battement d'aîles. La réjouissance entre la visite et la signature du contrat était finalement aussi éphémère que son rêve de cette nuit. Elle s'évanouissait rapidement.

- Avez-vous signé beaucoup de contrats dans votre vie ? S'enquit-il soudain en fixant son stylo.

La femme brune sourit d'un air amusé.

- Oh très peu ! Et j'aimerais en signer plus malgré tout.

- Vous devez faire signer beaucoup de contrats, poursuivit-il, mais les contrats que vous voudriez signer sont-ils tous de l'ordre de l'immobilier ?

- Oui et non.

M.M la regarda d'un air interrogateur.

- J'aimerais bien être propriétaire de plusieurs maisons pour voyager un peu plus... avoir une ouverture sur le monde, et puis....

- Et puis ? demanda-t-il pour l'encourager à continuer.

- Et puis j'aimerais qu'on me propose un contrat pour... pour mes écrits.

- Vous écrivez ?

Quelle idiote je faisais d'avoir laissé échapper ça !

Elle ne voulait surtout pas qu'il la trouve indiscrète ou présomptueuse.

- Oui... sur toutes sortes de choses.

Il esquissa un sourire.

- C'est sûr qu'avec tous les gens que vous devez rencontrer, ça doit vous donner de la matière !

- Oh oui, répondit-elle avec un petit rire. C'est certain !

Il trouva son rire et son sourire tout à fait charmants.

Elle avait une petite fossette, nota-t'il.

- Vous rencontrez des gens étranges aussi. Ca aiguise la plume !

- Vous avez raison !

- C'est le cas aujourd'hui, non ?

Il avait un regard malicieux et une manière posée de parler qui étaient loin de lui déplaire.

Elle rit.

- Oh non, non, vous êtes...

- Normal ? La coupa-t-il avec un sourire en coin.

- Normal rime avec banal pour moi, répondit-elle, et je pense qu'on a tous notre petit grain de folie.

- Donc je suis pas banal et pas normal.

- Oui, voilà, enfin...

Elle éclata d'un rire gêné.

Quelle maladroite, que va-t-il penser...

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, fit-elle plus sérieusement, vous n'êtes pas banal et en même temps, je trouve que vous vous rapprochez plus de la normalité que le portrait qu'on vous taille dans la presse. Enfin, de leur notion de normalité et de conventions à la noix.

- Et vous avez aimé mon album, dit M.M sans cesser de sourire.

- Oui, et je ne le trouve vraiment pas banal, pour le coup.

- Cette remarque me fait vraiment plaisir.

Les pommettes de la femme se soulevaient tandis qu'elle souriait avec gêne. Elle attrapa le contrat et le serra entre ses mains, comme pour se donner une contenance.

- Vous devez en entendre beaucoup, des remarques comme ça, rétorqua-t-elle.

- Mais cela n'enlève pas l'originalité de la vôtre.

- Oh, ça ne me laisse pas indifférente, dit-elle d'un ton espiègle.

- C'est vrai ?

Il regarda ses yeux marrons qui avaient des reflets ambres avec la lumière du matin qui filtrait. Ils étaient francs, comme s'il s'agissait de fenêtres ouvrant sur ses pensées les plus secrètes.

- Je crois que c'est vrai, oui.

- Vous écrirez tout ça en rentrant chez vous ? Une nouvelle sur votre rencontre avec un gars pas banal déchiré par la presse ?

Son sourire redoubla et ses yeux brillèrent comme des diamants sombres. Il avait envie de les saisir, si c'était possible.

- J'écris des nouvelles, oui. Et si j'écrivais un jour sur a, je n'oublierai pas de mentionner qu'un simple contrat m'a extorqué mon ambition la plus précieuse en face d'un client !

Il rit.

- Vous faîtes bien d'employer le mot 'précieux'. Parce que lorsque la vie pourvoit à vos vœux les plus chers, il ne reste plus grand-chose.

Elle se tut et un éclair passa dans ses yeux sombres. M.M aurait tout donné en cet instant pour les voir briller à nouveau.

- C'est ce que vous dîtes dans une de vos chansons, ça, dit-elle enfin. Quand tous vos vœux se réalisent, beaucoup de rêves s'en trouvent détruits.

- Ah, vous vous en souvenez !

- Mais je ne suis pas d'accord. Je pense au contraire que ces rêves existent sous une autre forme en se concrétisant et donnent lieu à d'autres ambitions vivaces. Ca, c'est une pensée plus optimiste.

'Sweet dreams' songea M.M.

- Je suis donc bien trop pessimsite pour vous.

Elle fourragea avec légèreté dans les papiers du contrat.

- Pas pessimiste, non, mais tête en l'air ! Vous avez oublié de me fournir un papier important !

- C'est tout à fait mon genre... en ce moment, j'arrive à peine à me surprendre !

La femme brune sourit d'un air mi-amusé mi-compréhensif.

- Oh, vous savez, ça arrive souvent, et presque à chaque fois en réalité. Sous le coup de l'émotion, beaucoup de clients en oublient jusqu'à leur nom !

- Vous me rassurez, dit M.M d'un ton impassible, je craignais que vous ne vouliez plus me vendre la maison à cause de ça !

Elle émit un petit rire discret.

- Là, vous êtes peu optimiste !

M.M fit un sourire en coin désolé.

- En ce moment, c'est un peu difficile, je vous l'avoue. Il faut rationaliser mon temps, et c'est une véritable torture. Je vais vous sembler peu gentleman mis voudriez-vous passer au studio de répétition, histoire que je me rattrape ?

Elle rangea le contrat dans sa mallette en cuir qui fit un cliquetis métallique.

- Oh oui, aucun problème.

- - J'aurai les papiers manquants demain, promis.

M.M regarda quelques secondes la femme brune qui le fixait sans rien dire. Il n'y avait pas de gêne, mais une profonde curiosité qui les tiraillait au même instant.

Les sourcils de la femme brune étaient légèrement froncés comme quelqu'un qui a pris l'habitude de beaucoup attendre dans sa vie. Qu'avait-elle tant attendu ? Décidément, elle l'intriguait de plus en plus.

Elle s'éclaicit la gorge avec un air gêné cette fois.

- Entendu, je viendrai dans votre repère demain.


The unspeakable story(Marilyn Manson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant