Fin du rêve?

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Elle ne pleura pas. Elle n'eut même pas les yeux humides. Sa peine était trop immense, et sa froideur trop démesurée pour qu'elle verse une seule larme. Le chœur de sa conscience et de Ma faisait une farandole criarde rythmée par des je te l'avais bien dit agaçants. Elle regarda à travers le judas. Il était enfin parti. Sa persévérance n'avait pas duré longtemps. Elle se laissa glisser contre la porte d'entrée comme une poupée de chiffon pour s'asseoir par terre. Non, elle n'avait pas été trop dure, se dit-elle. Elle avait fait ce qu'il fallait. Un frisson parcourut son échine. N'avait-elle plutôt pas agi par orgueil ? Elle entendit un bruit dans le couloir. Le cœur battant, elle espéra presque que cela soit M.M à nouveau. Cette fois, elle était prête à lui parler, s'il le souhaitait. Elle se sentait désespérément seule. Finalement, sa fermeté n'avait pas duré longtemps... Nouveau bruit dans le couloir. Elle sursauta et sentit une vague de déception. Le voisin rentrait simplement chez lui. Ce n'était pas M.M.

***

Arrivé en bas des escaliers il eut comme une impression de déjà-vu. Il ne s'était jamais senti aussi bas, déçu. Abandonné. Il l'avait trouvé et l'avait perdue. Ça avait été furtif, éphémère. Mortel. Ce trou béant dans sa poitrine s'agrandissait. Il fallait qu'il remonte quitte à supplier à genoux un simple judas de porte. Il avait la nette impression que c'était la seule personne sur terre à avoir différencié et nuancé son moi intérieur et la personnalité qu'il montrait au monde. Il voulait faire corps avec elle, qu'elle le comprenne encore plus et mieux : qu'il puisse lui-même la décrypter. Faire sauter toutes ces barrières qui l'empêchaient encore de se fondre avec et en elle. Il se sentait lâche. Cela lui donna l'impulsion de monter à nouveau ses marches, avec l'ambition d'un fou, d'un homme désenchanté touché par la grâce d'une personne hors du commun. Il ne sentait plus rien, ni peur, ni orgueil. Il espérait plus que tout revoir cet éclat dans ses yeux noisette lorsqu'elle le regardait avec une candeur infinie. Elle lui manquait terriblement. Il se sentit son courage se dégonfler comme un ballon baudruche lorsqu'il se retrouva devant cette porte narquoise. Mais cet instant de solitude était le prix à payer pour la revoir. Alors s'il devait passer cette épreuve de froideur pour y parvenir, il était prêt. La simple porte non-blindée était son juge. Allait-il gagner l'appel ? Il leva la main, puis la laissa quelques secondes en suspension quelques secondes. Il parvint à reprendre ses esprits et à vaincre son hésitation. Il frappa une fois en guettant le bruit derrière a porte. Une nouvelle fois en se demandant s'il ne s'était pas trompé d'appartement. Une troisième fois, avec un poing mi insistants mi désenchanté. Il entendit un frôlement derrière la porte. Il tenta une dernière fois. Sans succès. La porte désespérément close et le cœur ouvert à vif, il resta là, ne sachant trop que faire. C'était fini.

***

L'illusion était terminée. Son cœur avait volé en éclat, ses vacances aussi. Elle tentait de se rassurer à grands renforts de photographies qu'elle avait tout de même visité le Japon, mais elle ne parvenait pas à se tromper elle-même. Cela avait été un fiasco total. Elle avait pensé que retourner au boulot et reprendre ce quotidien qu'elle trouvait trop banal lui ferait tout oublier, mais ce n'était pas le cas. Cela lui rappelait avec une furieuse intensité son échec, ses rêves brisés et son orgueil chauffé à blanc. Comment avait-elle pu être aussi naïve ? Et comment avait-il osé avoir essayé de la rattraper, comme si elle était dupe de ses manipulations ? Elle ferma les yeux, comme ça, rien qu'une seconde. Elle allait trop loin, sans doute. C'était un homme, avec ses faiblesses avant tout. Il ne l'avait pas manipulée comme une marionnette, elle avait cru, c'était tout. Et aujourd'hui, elle était butée. Elle s'en voulait d'avoir repoussé ses avances mais elle avait l'impression d'avoir trop donné. D'avoir donné cette confiance qu'elle mettait tellement de temps à accorder, normalement. Etait-ce parce que c'était une grande star qu'ils avaient sauté tant d'étapes ? Non. Elle avait beau se le cacher, se matraquer la tête avec des photos immobilières en tous genres, la vérité était évidente. Elle l'aimait. Mais elle l'aimait suffisamment pour arrêter de le voir dans la mesure où il voyait une autre femme.

- Alors, on redescend sur terre ?


The unspeakable story(Marilyn Manson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant