Une performance sombre qui sombre

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-Alors, on redescend sur terre ?

Il n'y avait pas d'ironie dans la voix de son boss. Mais les mots tombèrent comme des morceaux de verre brisé dans ses oreilles.

***

Il se sentait partir. Etait-ce la fin du concert, le début ? Plus de temps pour la pensée. Il entendait des bruits autour de lui mais c'est comme si une personne avait soudainement baissé le volume. Il s'entendait respirer. Il voyait trouble, il voyait des formes bizarroïdes mais familières, comme s'il avait pris des conneries hallucinogènes. Il transpirait à grosses gouttes. Son ventre le faisait souffrir. Une nausée persistait et lui fit perdre l'équilibre sans qu'il s'en rende compte. Il se retrouva à quatre pattes, sur scène, les bras tordus, comme pour faire des pompes originales. Il eut une brève pensée pour ses tous premiers concerts mouvementés, avec des figurants sur scène qui se retrouvaient souvent à quatre pattes pour donner le ton et saupoudrer de piment son spectacle. Ce soir-là, il devenait figurant de son propre spectacle. Il n'était plus maître de lui-même. Et la perte de contrôle est ce qu'il détestait le plus au monde. Quand il voyait autour de lui des gens esclaves de substances, de gens, de sentiments, il méprisait. Et à présent, il se méprisait lui-même. Nouveau haut le cœur. Il ne pouvait pas tenir plus longtemps. Il rejeta sur la scène son repas de la veille et peut être même ses propres boyaux. Comme dans un rêve cauchemardesque, il vit du coin de l'œil des personnes fondre sur lui pour le déplacer mais il n'avait qu'une vision d'horreur, ses propres rejets sur scène et le vent qui battait dans ses oreilles. Il haleta. Encore un haut le cœur. Il fit un pas à quatre pattes, dans une position ridicule avant de se sentir happer en arrière pour disparaître backstage. Puis le noir total. Le néant.

Il se réveilla avec un mal de crâne au-delà de tout ce qu'il avait imaginé. Il regrettait tous ses concerts, jusqu'au dernier, si c'était pour avoir l'impression qu'on lui fendait le crâne en deux et qu'on mettait sa cervelle à vif. Il se retrouvait exactement dans le genre de situation qu'il détestait : ne rien maîtriser, être entre des mains serviables et pleines de pitié. Il avait exagéré sur la bouteille et le regrettait amèrement. Il avait tenu quelques semaines, mais là ça avait été insoutenable : il s'été accroché à ces bouteilles comme à des bouées de sauvetage. Il se sentait comme à ses vingt ans. Perdu, mais trop âgé pour l'être complètement. Un sentiment de dégoût mêlé de colère l'envahit. Mais il n'était pas irrité contre les mains inquiètes qui le manipulaient. Il était en colère contre lui-même, contre ce personnage qu'il avait créé et toutes ces barrières qu'il avait érigées au fil des années autour de lui pour le protéger de ce monde extérieur qu'il détestait.

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The unspeakable story(Marilyn Manson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant