Night.

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Les minutes filaient et il n'avait jamais eu aussi envie de les retenir, de remonter le temps inlassablement pour passer plus de temps en sa compagnie. Repousser au maximum le temps où ils devraient se séparer pour la suite de sa tournée. Où il devrait vivre ce qui était l'ébauche de vie normale qu'il avait. Il voulait se dédoubler, puis disparaître ailleurs, n'importe où, avec elle. Du moment qu'il était avec elle. Il ne se reconnaissait pas. Avant, il avait sans cesse besoin d'une stimulation extérieure. De sensations fortes pour se sentir bien ; Pour faire taire ce flot de pensées qui le dérangeait. Il y avait des jours où il pensait tellement qu'il en avait mal à la tête. Qu'il avait la nette impression que ses neurones s'emmêlaient pour former des nœuds douloureux et inextricables. Des reptiles malins et dangereux, voilà ce qui habitait son crâne. Avec elle, ils étaient silencieux. Il se sentait la tête légère et le cœur plein. Peu de choses attisaient ses sentiments et son adrénaline. Elle réveillait les morts. Il était un zombie. Quand il la voyait, son estomac faisait un bond de plusieurs mètres, comme s'il tombait dans l'escalier de son manoir. Sans elle, il avait peur des souffrances de son passé et de l'incertitude de son futur. Tout devenait soudain limpide en regardant son regard marron. Ce tourbillon de pensées le dirigea vers sa suite. Sa suite à elle. Il se demanda soudainement pourquoi il avait absolument voulu que la chambre de la jeune femme se trouve à un étage différent du sien. De qui, de quoi avait-il peur ? De son charme ou de lui-même ? Avant que sa voix intérieure ne puisse émettre une réponse il tapa à la porte. Deux petits coups. Ni secs, ni silencieux. Il n'était pas empressé mais il avait grandement besoin de la voir dans un endroit plus intime. La tournée n'était pas vraiment synonyme de privé. En entendant le bruit de la porte prometteuse il se demanda pourquoi et comment il n'avait pas pensé plus tôt.

Le pétillement dans ses yeux. Elle était surprise et heureuse à la fois. Il regarda brièvement sa silhouette. Elle avait passé une autre robe sur son petit corps frêle. Noir et blanche. Assez courte. Pas décolletée mais assez ouverte pour l'affrioler. Il se rendit compte qu'il était censé parler. Après tout, c'est lui qui avait frappé à sa porte.

- Bonsoir.

Génial. Superbe phrase d'accroche. Il se sentait dans la même situation que lorsqu'il était avec sa première réelle relation. Gorge nouée et peur de mal faire. Un sentiment d'autant plus mortel qu'il l'empêchait d'aligner deux mots à la fois.

- Oh, bonsoir !

Coup de chance, elle n'avait pas l'air déçu. Plutôt intrigué.

- Je passais pour te demander si...

Elle hocha la tête comme pour l'encourager à poursuivre. Mais pourquoi était-il si compliqué de finir une phrase !

- ...Si tu voulais un peu prendre l'air avec moi et...

La question ne se posait plus. Il n'eut pas le temps de finir qu'elle se hissait sur la pointe des pieds pour porter ses lèvres sur les siennes. Il la prit contre lui en scellant davantage sa bouche. Elle n'était pas assez proche alors il la souleva légèrement. Ses propres pieds à lui n'étaient déjà plus sur terre depuis qu'elle l'avait embrassé. Si elle pouvait sentir ne serait-ce qu'une seconde ce qu'il éprouvait en ce moment même, elle serait exaltée. Il se sentait emballé, électrisé. Il la porta jusque dans son lit et plongea la suite dans l'obscurité.

La nuit, complice de ce rapprochement fougueux les enveloppait dans son opacité.

***

Les rideaux n'étaient pas tirés et son visage fut baigné dans la lumière du jour. Le décalage horaire n'aidant pas, elle ne se souvint plus de l'endroit où elle était. Ni du moment de la journée. Le temps s'était arrêté la nuit précédente.

Elle s'étira tout doucement, dans un mouvement étrange craignant de le réveiller. Elle se sentit rougir en entendant cette respiration paisible semblable à un ronronnement. Elle se demanda s'il feignait ou 'il était encore profondément endormi. Mortifiée, elle n'osa pas bouger d'un millimètre et songea à toutes les fois où elle se repasserait à l'infini les instants qu'elle avait passés la veille. Des instants qui avaient duré de délicieuses éternités. Elle se sentait comme anesthésiée, paisible. Mais sa tête était en effervescence. Elle voulait le réveiller et puis le faire se rendormir. Elle craignait qu'il ne découvre un visage bouffi par la fatigue et l'euphorie. Qu'il se rende compte de sa profonde banalité, son insignifiance.

Comme s'il avait entendu le débat qui faisait tempête dans sa tête, il s'enroula davantage dans les couvertures pour se presser contre elle et l'entourer de ses longs bras. Elle se sentit bien, nicher ainsi tout contre celui qui était... son homme ? Elle tressaillit. Elle ne savait pas quel tournant allait prendre les choses entre eux. Elle était effrayée et exaltée ; un sentiment bizarroïde qu'elle goûtait pour la première fois de sa vie. Elle ordonna à chacun de ses muscles, chacun de ses membres de se figer. Elle voulait que l'instant se fige, lui aussi. Il grogna soudain, un son indescriptible qui sonna comme un petit bruit de félin épanoui. Elle voulu avoir une petite fenêtre sur sa tête pour entrer dans le rêve merveilleux qui semblait vivre. Mais elle voulait prolonger le sien alors elle demeura immobile. Elle sentait son souffle chaud derrière son cou. Il la sentait. Il était réveillé. Il frémit. Lentement mais sûrement, il se pressa davantage contre elle. Désinhibée, elle voulu se retourner délicatement pour le voir enfin. Il était éveillé. Il la regardait avec cette expression qui signifiait 'j'attendais que tu te réveilles'. Il réclamait aussi 'je veux que tu restes'. Se souvenant qu'elle n'était absolument pas apprêtée, elle lui tourna le dos à nouveau mais une nouvelle pression du corps de M. lui indiqua un 'je veux te voir encore'. Elle senti son souffle sur son visage. Il lui donna un baiser sur le front. C'était fou comme il pouvait transmettre ses émotions sans parler. Elle avait rarement vu ça dans toute une vie.Elle en frémit presque de plaisir. Avec autant de grâce dont elle était capable, elle se leva dans le but de se rafraichir et se donner une apparence plus attirante. Il la suivie du regard furtivement. Elle trotta vers la salle de bain comme un chat aux aguets et se prépara à se regarder avec consternation dans le miroir. A son grand étonnement, elle était jolie. D'une joliesse imprévue, empreinte de d'un bonheur inattendu. Elle se lava le visage et se brossa les dents avec empressement et s'apprêta à se laver quand elle entendit un bruit à l'encadrement de la porte. Il la rejoint en deux enjambées.

Ils firent couler un bain et fondirent l'un sur l'autre comme si c'était la première fois. Elle se laissa noyer dans ce bouillonnement.


The unspeakable story(Marilyn Manson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant