RDV suite

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Ils s'étaient donné rendez-vous dans un endroit neutre. Il n'allait pas la chercher chez elle, elle ne se dirigeait pas vers son repère. Elle n'allait pas non plus dans un bon restaurant et encore moins dans le hall d'un hôtel. Juste à l'endroit où ils avaient contemplé la ville. La toute première fois où ils s'étaient embrassés. Bon, ce n'était pas l'endroit le plus neutre du monde mais son enchantement s'était mué depuis longtemps en désenchantement. Les papillons dans le ventre lui nouaient à présent la gorge. Elle s'étranglait presque sur place.

Il était là, juste à côté d'elle et semblait déjà si loin dans sa tête. Il était exactement comme elle l'avait vu sur le pas de sa porte. A ce moment-là, elle avait déjà placé une barrière entre eux. Une vraie muraille de Chine. Le noir de ses vêtements évoquait plutôt le deuil. Ses lèvres tremblaient, comme en signe de prière silencieuse qu'il ne pouvait prononcer de peur de s'attirer ses foudres.

- Bonsoir, dit-il d'une drôle de voix rauque comme s'il était à bout de souffle.

Un ton sobre, sombre. Comme lui.

-Je , commença-t'il, mais elle ne le laissa pas finir

Elle était déterminée à ne lui offrir aucun répit.

- Ne me dis pas 'excuses moi', ou ' pardon', s'il te plaît.

- Je....

- Non, dit-elle fermement. Je ne veux pas.

Silence.

- Je veux que tu dises pardon sur tout ce que tu as projeté et laissé paraître, tout ce qui m'a blessée. Pour ce que tu m'as laissée croire sans remords.

Il voulut la prendre dans ses bras mais il sentit que c'était loin d'être le moment opportun.

- C'était.... C'était injuste, dit-elle et sa voix se brisa.

Il eut un élan d'affection et une vague de honte qui le retint de se rapprocher d'elle. Il n'en était pas digne. Elle avait les larmes aux yeux. Il se sentait mal de la voir comme ça. Il ne dit rien. Il ne savait pas quoi faire pour changer la situation et avait l'impression que tout ce qu'il pourrait dire la blesserait. Et il ne voulait surtout pas la blesser.

- Je ne méritais pas ça, sanglota-t-elle.

Elle pleurait. Son cœur se serra et se rapprocha d'elle, mais elle recula d'un pas. Il resta là, impuissant.

-Pourquoi, M. ... pourquoi ? Il suffisait de le dire... de me dire que tu voulais juste une aventure et pas autre chose...

- C'était réel, chuchota-t-il...

- Quoi ?

- Tout ce qu'on a vécu, et ce qu'on vit là maintenant, c'est réel, dit-il.

Silence.

- Je n'ai jamais rien prétendu, continua M. , et quand je t'ai dit que je t'aimais, c'était réel. Et c'est toujours réel aujourd'hui. Et cela sera réel après si tu veux bien continuer.

Elle soupira en essuyant ses larmes que si elles l'agaçaient plus que lui.

- Mais combien d'autres filles il y aura, M. ? Parles-tu d'une relation exclusive ou d'une relation libre de ton côté ?

- Ce n'est pas une relation libre, rétorqua-t-il fermement.

Elle se tut et il vit poindre une lueur d'espoir dans ses yeux, qui s'évanouit rapidement.

- Je ne sais pas, M. Je ne sais plus. J'avoue que je suis un peu perdue, souffla-t-elle.

- Je te dis la vérité, dit-il en mettant doucement sa main sur le bras frêle de la jeune femme.

La glace commençait à se fêler.

- Mais... mais cette femme, Helen ? Et les autres, sûrement ?

Elle se fermait à nouveau. Il laissa sa main où elle était.

- Ecoute, cette fille- et il appuya bien sur le mot 'fille' -est une personne que je connaissais vaguement avant de te connaître. Je suis sorti un certain temps avec, mais c'est fini, à présent. Apparemment, de son côté, ce n'était pas totalement fini.

- Et ce n'est toujours pas totalement fini... c'est un peu étrange, je trouve ! Répliqua-t-elle d'un on amer et ironique.

- Je... j'ai continué à la voir quand je t'ai connue. Mais quand ça a été plus sérieux entre nous, j'ai cessé de la voir, avoua-t-il

Elle garda la bouche close pendant quelques secondes désarçonnée par tant de sincérité. Elle ne sut si elle devait être encore plus blessée ou heureuse de cette révélation.

- Je veux être avec toi, et seulement toi, poursuivit-il.

Il se rapprocha d'elle en la frôlant. Il prit son visage entre ses longues mains fines et se rapprocha lentement de sa bouche, le cœur battant. Cette fois-ci, elle ne le repoussa pas.

Il l'embrassa langoureusement mais eut l'impression d'embrasser un mannequin froid. Il fit une pause et la regarda. Elle avait le regard lointain, fermé. C'était loin d'être bon signe.

- Tu ne seras jamais heureux avec une femme, dit-elle.

Et comme un chat furtif, elle s'éloigna à grands pas. Il l'avait perdue.

***


The unspeakable story(Marilyn Manson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant