Prologue

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Province de l'émeraude-3145

La jeune femme souffrait le martyre.

À travers les planches disjointes de sa cabane, ses râles de douleur parvenaient jusqu'à son mari qui, fou d'angoisse, n'était pas autorisé à son chevet pendant qu'elle tentait de donner la vie.

Au loin, son anim'âme émit un brame, sensible à la détresse de sa sœur d'âme.

La guérisseuse du clan essuya le visage inondé de sueur de sa patiente, elle repoussa une mèche brune de son front moite :

– Allez, ma belle ! Encore un effort ! Il arrive.

Le rude hiver des contrées boréales était bien installé à présent, le givre décorait les fenêtres de motifs étoilés et des courants d'air aux accents sinistres traversaient parfois les demeures précaires de part en part. Pourtant il ne faisait pas froid dans la pièce, car un feu puissant était alimenté en permanence par des assistantes.

D'âge mûr, la guérisseuse avait accouché de nombreuses femmes dans sa longue vie. Aidée de ses deux assistantes beaucoup plus jeunes, elle psalmodiait des prières à Gaïa afin de guider ce nouvel être vers le monde, et de rassurer la parturiente.

La contraction suivante arracha un cri sourd à la future mère : un goût de sang envahit sa bouche. Elle s'était mordu la lèvre dans l'effort. Elle était au bord de l'évanouissement : elle n'avait jamais rien accompli d'aussi intense. À bout de souffle, elle ferma les yeux et se tint prête pour la prochaine déferlante de douleur. Elle ne pourrait pas encore résister longtemps.

Une des assistantes se redressa soudain :

– Il arrive, je vois la tête !

La chamane se plaça immédiatement entre les jambes de sa patiente. Elle attacha ses longs cheveux blancs :

– C'est vrai, Johanna. Un dernier effort, tu y es presque !

Johanna puisa dans ses ultimes forces et sentit son ventre se déchirer dans une poussée finale.

Un vagissement salua le terme de son calvaire et elle reposa sa tête sur l'oreiller auréolé de sueur, épuisée, mais heureuse.

Elle se redressa et aperçut une mèche de cheveux foncés. Elle fut inondée d'un amour inconditionnel pour ce petit être.

– Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-elle, les yeux pleins de larmes.

Alors qu'elle s'activait à ses pieds, la chamane lui sourit :

– Une fille. Une jolie petite brunette aux belles boucles comme sa mère.

Johanna rit. Bien sûr, elle était magnifique. Elle aurait ses cheveux et les yeux de son père, c'était certain. Elle serait parfaite.

La prêtresse de Gaïa coupa le cordon et emmaillota l'enfant au plus vite.

– Maintenant, voyons son aura.

La vieille guérisseuse entama alors un étrange cérémonial qui devait permettre de connaître l'identité de l'anim'âme du nouveau-né en examinant son aura. Une aura rouge pour un anim'âme prédateur, une aura verte pour un anim'âme herbivore. Ensuite apparaîtrait, au fond de l'aura, l'image de l'anim'âme juste né. Les esprits jumelés ayant naturellement tendance à se diriger l'un vers l'autre, l'anim'âme convergeait généralement vers son humain en quelques jours. Néanmoins quand il s'agissait d'êtres herbivores, mieux valait les rejoindre le plus rapidement possible afin qu'ils ne fassent pas de mauvaises rencontres. Un prédateur qui les confondrait avec un simple animal, par exemple.

Symbiose - La porteuse d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant