L'œil du cyclone

2.5K 275 30
                                    

Les navettes vers les monts Termites avaient reprises dès le lendemain matin. Le camp ne devait pas s'éterniser outre-mesure dans le sanctuaire de Gaïa, l'armée des Voluris étaient toujours à leurs portes et Syrah ne voulait pas risquer d'autres vies inutilement.

Cependant certains villageois avaient offert leurs services comme soldats auto-proclamés de l'armée de Gaïa. Syrah s'était d'abord opposée à cette idée mais devant l'air déterminé des prétendants, elle avait cédé. Elle avait toutefois posé une condition : ils ne se battaient qu'en tout dernier recours et seulement sur sa demande expresse.
Depuis un entraînement militaire sous la houlette de Svalantia et Fahën avait vu le jour.
Syrah d'abord dubitative, se surprenait maintenant à sourire devant le spectacle de ses jeunes recrues qui lui rappelaient tellement son propre apprentissage. La belle guerrière, un sourire carnassier aux lèvres ne laissait rien passer à ses élèves et nombreuses étaient les plaintes des conscrits aux muscles meurtris à la fin de la journée.

L'évacuation se passait globalement bien, sans pour autant oublier le drame des gladiateurs immolés, tous semblaient s'être apaisés.
Le camp avait déjà diminué de moitié et Syrah passait volontiers des longues heures auprès de la tatoueuse aveugle, à suivre les circonvolutions de sa main déliée sur la toile vierge de la peau de ses sujets. Des foisonnements de plantes, de tigres bondissants et de regards vairons naissaient sous son égide et les peaux parfois meurtries devenaient des manifestes contre la fatalité.
Souvent elle observait en silence, parfois elle engageait la conversation et tentait de percer le mystère du don singulier de cette jeune femme extraordinaire.
La jeune aveugle lui répondait toujours avec déférence et simplicité, elles évoquaient ensemble la courbure d'une aile d'oiseau sauvage, la puissance du trait qui donnait naissance à un arbre centenaire. L'aveugle lui expliqua que la vie de chaque dessin résidait dans la rigidité ou la souplesse données à son bambou. Ainsi elle réussissait à rendre le chêne massif et l'herbe folle gracile. Comment elle le savait ? Gaïa lui avait chuchoté dans un rêve et sa sagesse avait guidé son travail.

Son hérisson venait parfois se pelotonner entre les jambes de sa sœur d'âme, qui ne semblait pas gênée par la piqûre des épines sur ses jambes nues. Syrah lui avait un jour demandé si elle pensait qu'avoir un anim'âme couvert d'aiguilles était un signe de Gaïa qu'elle était destinée à devenir tatoueuse. La jeune fille avait ri, son beau regard perdu sur le vide, elle avait répondu que c'était probable.

Syrah pensait parfois à Touaraïa dans ces moments. Aux mêmes réponses sibyllines qu'elle lui avait faite toutes ces années et à son exaspération de l'époque. A présent les mêmes propos l'apaisaient de façon inexplicable.

Le reste du temps elle le passait aux entraînements physiques avec Argo, Hanae et Pryham. Adrast se joignait parfois à eux quand il n'accompagnait pas son père et les autres rebelles jusqu'au monts Termites. La fin de journée était consacrée aux exercices psychiques avec Hestia et Yuraïa.

L'érudite et le vieux prêtre testaient différentes théories destinées à percer le mystère de la fusion.

Syrah s'y astreignait avec assiduité, Vagha et Zaïra à ses côtés. Elle avait essayé de laisser ses anim'âmes emprunter ses qualités sous de multiples formes, sans grand succès. Ils s'étaient ensuite concentrés sur la notion de "voyageuse de l'entre-monde" et Syrah passait le plus clair de son temps dans les limbes à tenter de sortir du cercle formé par leurs trois auras.
Jusqu'à présent elle n'avait réussi qu'à se tenir en extrême limite de leur cercle, où il lui avait semblé apercevoir d'autres sources de lumière, comme de petites planètes. Cependant quand elle avait voulu s'en approcher, une barrière invisible l'en avait empêché.

Symbiose - La porteuse d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant