Parenthèse : Enfance de Svalantia

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La pièce était sombre, mais les yeux de l'enfant étaient accoutumés à la pénombre. Elle était agenouillée les mains sur les genoux, sa respiration était calme et mesurée, à ses côtés elle pouvait percevoir le souffle d'une dizaine d'autre enfants tous âgés de cinq ou six ans. Elle incita son rat gris au silence. Ses sens étaient aux aguets : la grotte où ils se trouvaient recélait de nombreux coins d'ombre qu'elle tentait de percer de ses yeux plissés. Les stalactites égrenaient leur chapelet de perles de rosées qui s'écrasaient contre le calcaire en carillonnant à ses oreilles, un léger courant d'air frais indiquait une sortie non loin de là et la fit frissonner.

Son mouvement fut fluide et précis au moment où l'attaque survint : elle bondit sur ses jambes et esquiva la mince baguette de bambou qui aurait dû faucher ses appuis. Un juron à sa droite lui appris que tous n'avaient pas eu sa dextérité.

De la partie la plus sombre de la salle rocheuse apparut un homme : son habit de cuir noir lui permettait de se fondre dans la noirceur du lieu, tout comme ses cheveux bruns. Son visage était barré d'une cicatrice de l'oreille droite au menton, souvenir d'un combat contre un prédateur et son félin. Sur son épaule gauche un furet observait la scène de ses yeux perçants.

Plusieurs de ses camarades se relevaient en se massant le dos, endoloris par la pierre dure du sol.

- C'est une honte. Je vous ai formellement demandé de rester en éveil. Pourtant, vous mordez la poussière. Croyez-vous que l'ennemi vous mettra en garde ? Croyez-vous qu'il vous laissera une chance ?

Les enfants baissèrent la tête, honteux. Ceux qui avait réussi, seulement trois, la gardèrent bien haute. L'enfant souffla sur une mèche brune échappée de sa tresse.

L'homme les observa encore un instant puis déclara :

- Filez maintenant ne soyez pas en retard pour les enseignements de prêtre Asraïa.

L'enfant se détendit. Elle se tourna à sa droite vers un garçon de son exacte taille, à vrai dire à part la différence de genre ils étaient deux côtés de la même pièce : même yeux violets perçants, même mèche folle devant le visage, même nez aquilin, mêmes anim'âmes.

L'instructeur s'approcha d'eux :

- Beau travail aujourd'hui, Svalantia.

La fillette leva ses yeux vers la haute stature :

- Merci, père.

- Et toi, Gregarys, prends exemple sur ta sœur. Je croyais que les jumeaux partageaient tout, tâche de te montrer digne de ton héritage.

Le garçonnet baissa la tête, piteux.
Svalantia attendit que son père disparaisse au coin d'une paroi rocheuse pour donner une accolade à son frère, leur géniteur était aisément déçu par les performances de sa progéniture et ne manquait jamais de leur faire savoir malgré leur jeune âge.
Svalantia se dégagea, consciente du malaise de son jumeau, avoir partager le même ventre les avait connectés au-delà des simples liens du sang. Leurs âmes étaient non seulement liées à leurs anim'âmes mais également entre elles.

Ainsi ils étaient condamnés à connaître le tréfonds des pensées qui habitaient l'autre et cela qu'ils le veuillent ... ou non.

En ce moment par exemple, la fillette s'en serait bien passé, ce sentiment de honte alors qu'elle avait réussi était des plus désagréables mais ce qui l'inquiétait le plus c'est que Gregarys puisse percevoir sa fierté alors qu'il avait échoué.

L'apprentissage chez les futurs assassins étaient des plus impitoyables : contrairement à la croyance populaire, les élus hors du cercle des enfants d'assassins étaient rares et devaient montrer des aptitudes exceptionnelles pour espérer un jour intégrer cette guilde d'élite. Pour la descendance des assassins déjà formés, la majorité, l'entraînement débutait quasiment à la naissance et quiconque se montrait indigne de son héritage guerrier était chassé. Il ne pouvait plus revoir les siens et vivait dans le déshonneur et la honte le temps qui lui restait sur terre. Un temps relativement long puisque le sort des jeunes recrues étaient scellés à leur quinze ans lors d'une cérémonie secrète. Heureusement il était très rare que cela arrive, du moins c'est ce qu'affirmait tous le temps la tante des jumeaux, Nathyldia. Leur mère était morte en couche en les mettant au monde et c'est elle qui s'était occupé d'eux en même temps que de son fils plus âgé, Ronänn de quatre ans leur ainé.

Symbiose - La porteuse d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant