Les limiers du lord

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 Ils marchèrent pendant plusieurs heures et ne tardèrent pas à apercevoir en lisière de forêt les solides remparts de la cité de lord Voluris. Chaque tour de garde y était surmonté d'une gueule de loup monstrueuse qui tenait en son sein un pauvre daim martyrisé.

Syrah frissonna, emblème des seigneurs de cette province dont le loup était l'anim'âme depuis des générations, cette sculpture guerrière la renvoyait à sa condition de serf et à la terreur que faisaient régner les prédateurs. Un goût de fiel envahit sa bouche et Zaïra se blottit contre elle. Elle préféra s'enfoncer plus profondément sous le couvert des arbres pour ne plus voir l'inquiétante forteresse.

Alors que le soleil descendait lentement derrière eux, Fahën commença à traîner des pieds. Tel un enfant maussade, il enchaînait les gémissements plaintifs de façon de plus en plus ostentatoires.

Syrah, qui ne ressentait pas la lassitude, finit par se tourner vers lui.

– Une petite fatigue peut-être ? Demanda-t-elle ironiquement.

– Nullement, noble dame. Un assassin de la guilde jamais ne faiblit. Je me disais seulement qu'il serait temps de nous sustenter. La porteuse d'âmes ne saurait mourir de faim avant d'avoir pu accomplir son illustre destinée.

– Tu ne pourrais pas parler normalement s'il te plait ? J'ai l'impression de discuter avec un livre. Pas la peine d'en faire autant. Nous ne sommes que tous les deux. Asséna Syrah avec mauvaise humeur.

Son estomac, le traitre, choisit précisément ce moment pour manifester son mécontentement. À vrai dire, elle ne se souvenait même plus de son dernier repas, mais admettre que son agaçant compagnon de voyage puisse avoir raison lui coûtait énormément.

Un sourire triomphant illumina le visage constellé de taches de rousseur du jeune garçon.

– Voyez vous-même... noble dame. Votre ventre crie famine, il ne sera pas dit qu'un assassin à laisser dépérir l'avenir de l'humanité.

Sur ses propos chevaleresques, il disparut entre les buissons, probablement à la recherche de nourriture.

Syrah s'assit lourdement le long d'un tronc et poussa un profond soupir. Depuis qu'elle avait raconté la raison de son voyage au jeune bourgeois, il n'en était que plus volubile. Il se sentait à présent investi non seulement d'une dette, mais aussi d'une mission : protéger la porteuse d'âmes.
Cela lui inspirait des envolées lyriques qui commençaient sérieusement à agacer la jeune fille. Sans compter cette manie de l'appeler noble dame à tout bout de champ.

Alors qu'elle massait consciencieusement ses tempes, Jasper réapparut entre deux buissons, il fut bientôt suivi par Fahën qui transportait religieusement une feuille remplie de baies rouges vives.

– Et voici notre pitance du jour !

Syrah regarda, interdite, le visage satisfait du jeune homme puis ses mains tachées de jus.
Elle se releva et secoua la tête de dépit :

– Bel essai Fahën. Mais, ce sont des baies de buisson ardent que tu tiens. Elles sont mortelles. J'imagine que là d'où tu viens, tu n'as jamais eu à chercher à manger. Les plats devaient sûrement arriver tous rôtis devant ton nez.

Le jeune bourgeois baissa la tête d'un air penaud.

– Lave-toi les mains dans le ruisseau, je l'entends s'écouler, il doit être sur la droite. Moi, je vais trouver de quoi nous restaurer.
Elle lui jeta un regard oblique et ajouta :

– Nettoie-toi tout court, d'ailleurs. Ton séjour dans la cage t'a laissé des séquelles. ... Odorantes.

Le visage mi-déconfit, mi-outré du jeune homme arracha à Syrah un sourire satisfait, qu'elle s'empressa de cacher dans une fausse toux.

Symbiose - La porteuse d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant