Le soldat de la montagne

6K 695 50
                                    

Leur équipe progressa rapidement dans la forêt.

Étonnamment, Fahën n'émit aucune protestation au sujet du rythme imposé par Svalantia et Argo. Syrah le soupçonnait de vouloir faire bonne figure devant l'assassine professionnelle. Le vieil homme ne semblait pas non plus en peine. Il marchait à une foulée qui paraissait tranquille bien qu'il avança aussi vite que le reste du groupe.

En réalité, la seule à pâtir de cette cadence infernale était Syrah. Les effets de l'adrénaline et du tonique passés, tout son corps se remit à souffrir. Son crâne résonnait à chaque enjambée, la douleur lancinante de sa mâchoire et de sa tempe pulsait au rythme des éclairs bleutés qui passaient sous sa paupière.
Les longues estafilades derrière ses talons semblaient s'étirer à chacun de ses pas.
Vagha et Zaïra ne la lâchaient pas d'une semelle et appuyaient leur corps et leur tête sous les bras de leur sœur d'âme pour la soutenir.

Quand elle aperçut une carcasse de quad calcinée au milieu d'une clairière, elle ne put retenir un gémissement. Il n'avait donc réussi qu'à revenir au lieu de leur première attaque et non à progresser vers leur destination.

Combien de kilomètres encore avant qu'elle put reposer son corps au supplice ?

Yuraïa la regarda avec compassion :

– Linxhu m'indique que nous ne sommes pas poursuivis, nous allons pouvoir nous délasser un instant.

Syrah se laissa choir avec reconnaissance.
Vagha se plaça près d'elle et entreprit de lécher les plaies qui couvraient le visage de la jeune fille. Elle grimaça quand sa langue râpeuse toucha les parties les plus abîmées.

Fahën s'assit à ses côtés en lui tendant un petit pain rond :

– C'est Svalantia qui me l'a donné.
Puis il ajouta à voix basse :
– Je suis heureux que l'on se soit arrêtés, je n'en pouvais plus, mais je suis inquiet. Qui est encore ce Linxhu ? Un nouvel assassin ?

– C'est son héron, je pense. Je l'ai aperçu qui volait à travers les arbres. Yuraïa maîtrise très certainement la Symbiose.
Elle tendit la main vers la nourriture et ne put retenir une grimace.

– Comment vous sentez vous, noble dame ?

– J'ai l'impression que mon visage est un hachis de chair informe...

Le regard de pitié de Fahën informa la jeune fille que c'était effectivement le cas.

Elle poussa un profond soupir :

– Génial, je suis donc le porte-étendard défiguré de Gaïa.

Argo sortit alors de sous les frondaisons avec des poignées d'herbes fraîches et vint à sa rencontre :

– Nous allons arranger ça. Tu vas voir, il ne restera bientôt aucune trace.

Tout en parlant, il écrasa ses trouvailles dans un bol jusqu'à obtenir une pâte vert foncé.

– Voilà, ton tigre a retiré le plus gros de la saleté de tes plaies. Nous allons nettoyer ça puis cette pâte va accélérer la cicatrisation et former une couche protectrice.

Fahën eut une moue de dégoût à la vue du mélange et se leva d'un bond.

– Bien, je vous laisse pour la partie application de cette mixture peu ragoûtante, noble dame. Je vais aller discuter avec dame Svalantia.

Le rictus de Svalantia à l'évocation des intentions du garçon arracha un sourire douloureux à Syrah.

Elle se tourna vers Argo, qui commença par mettre de l'eau claire sur ses plaies avant de les recouvrir de la pâte d'herbes. Syrah s'étonna de la douceur avec laquelle il exécutait sa tâche, lui qu'elle avait connu en combattant redoutable.
Pour l'heure, il se tenait du côté de sa paupière close, si bien qu'elle eût du mal à le voir distinctement.

Symbiose - La porteuse d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant