Dédié à Auroredavreux.
Les bruissements réprobateurs de la cour étaient une musique devenue banale à ses oreilles. Son caracal se pressait contre sa cuisse et trahissait son embarras. Le garçonnet préféra fixer ses yeux de glace sur la silhouette aimante qui l'attendait au bout de la pièce.
Pourquoi fallait-il que cette salle de réception soit aussi démesurée ?
Il se donna un faux air d'assurance et accéléra le pas. Le brusque changement de rythme surprit son anim'âme qui le bouscula, il perdit l'équilibre devant l'ensemble de l'assemblée. Son petit visage s'écrasa dans un son mou sur le parquet et un craquement sonore signala la fracture de son nez.La blessure d'un prince de sang aurait dû déclencher une vague de sollicitude et chaque courtisan aurait dû tenter d'attirer l'attention du Lord Voluris par ses égards vis à vis de son fils.
Mais la réaction fut tout autre, le Lord éclata d'un rire tonitruant, bientôt suivi par la cour entière.Pryham se releva et essuya le sang qui dégoulinait de sa figure d'un geste rageur, de grosses larmes traîtresses inondaient son visage tuméfié. Il contint à grandes peines un sanglot. Son caracal, penaud, poussa doucement sa main pour le consoler. Parmi les courtisans, l'hilarité était à son comble, chacun se faisait un devoir de rire plus fort que son voisin.
On aurait dit un concert de hyènes hystériques.Il vit la longue silhouette se lever au loin. Les rires diminuèrent en intensité.
Le froissement de la soie était comme un baume sur la dignité meurtrie du petit garçon, il vit une cascade de cheveux blonds se pencher sur lui à travers son voile de larmes, soudain la foule de ses de détracteurs disparue derrière le rideau parfumé des cheveux de sa mère. Il s'imprégna du parfum de fleurs et d'herbes coupés, enfouie son visage dans les volutes du riche tissu et profita de la chaleur de la peau de sa sauveuse.
A ses côtés, la louve de sa mère léchait doucement la tête du jeune caracal.- C'est fini, mon petit, viens ici.
Sa voix suave avait le pouvoir d'apaiser toutes les désillusions de Pryham, et elles étaient nombreuses !
Il avait à peine cinq ans mais déjà il avait dû faire face aux brimades et à la violence des adultes. Il avait vite compris qu'il était différent, que son petit félin avec qui il partageait ce regard si particulier faisait de lui une personne à part. Il avait très jeune appris à décrypter le regard de son père, ce regard mêlé de gêne et de dégoût qu'il posait sur lui.
Il avait beau être plus fort, plus digne, plus endurant que ses frères et sa sœur, jamais il n'obtenait un compliment ou même un sourire.
Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi le seul fait d'avoir un caracal pour anim'âme déchaînait autant de haine.
Bien sûr, il avait entendu les ragots qui florissaient à la cour, malgré son très jeune âge les malveillants n'avaient pas manqué de lui souffler les odieuses accusations.
Mais il persistait à ne pas saisir l'ampleur de ce que cela signifiait, comment aurait-il pu le savoir du haut de ses cinq petites années ?Sa mère le berçait toujours doucement vers l'estrade où l'attendait son père et ses frères.
Les jumeaux, Thoore et Louky, avaient presque dix ans, son frère aîné, Crhonos, futur héritier, déjà presque un homme.
Demeria, l'aînée de la fratrie se tenait dans un coin, boudeuse, elle n'avait pas le droit de siéger sur l'estrade avec les héritiers masculins de la lignée Voluris. Elle était furieuse, même le bâtard avait le droit à une place au côté de son père alors qu'il n'était qu'un petit pleutre pleurnichard et qu'elle était quand même sa première née ! Elle découvrit ses dents blanches dans un rictus quand elle vit Pryham trébucher dans les jupons de leur mère.
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Symbiose - La porteuse d'âmes
FantasyIl fut un temps où les hommes vivaient sur la terre comme des parasites et anéantissaient tout sur leur passage. Mais ce temps est révolu. Voilà des centaines d'années, Gaïa, excédée, décida de lier chaque âme humaine à une âme animale. Ainsi les...