Le voyage commence

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Le moment des adieux fut plus délicat que Syrah ne l'avait prévu.

Elle aimait profondément sa famille et elle était demeurée longuement à l'abri du sanctuaire pour trouver la force et les mots justes, après les révélations de Touaraïa.

Ses parents, eux, connaissaient la prophétie depuis sa naissance, elle pensait donc qu'ils avaient accepté de longue date l'idée de son départ.
Mais c'était sans compter sur sa jeune sœur, Thaly.
Les yeux rougis de la fillette fixaient Syrah et ses petits poings serrés agrippaient le bas de la tunique de son aînée avec l'énergie du désespoir. Syrah caressa son visage poupon : les larmes avaient irrité la peau de son nez et de ses joues. Thaly renifla bruyamment :

– Pourquoi tu pars ? Tu nous aimes plus ?

Syrah sentit ses sanglots prêts à déferler. Elle dut faire un effort surhumain pour les retenir.
Elle avait chéri ce petit être dès le premier regard, alors qu'elle vagissait dans les bras de sa mère. Elle s'était juré de la protéger coûte que coûte depuis cet instant et la faire souffrir était un supplice. Elle la serra contre son cœur et embrassa ses cheveux. La fillette se blottit et Syrah put sentir l'humidité de son visage contre son cou. Elle se força à se rappeler les mots qu'elle avait répétés plus tôt dans le sanctuaire :

– Bien sûr que si je vous aime, quelle question ! Mais j'ai une mission à accomplir.

– Et pourquoi on ne peut pas venir avec toi ?

Thaly attendit, les yeux résolument plongés dans ceux de Syrah : son attitude impérieuse exigeait une réponse. Elle tendait tout son corps frêle vers sa sœur avec tout le sérieux que l'enfance croit posséder au plus jeune âge.

Syrah pesa ses mots. Elle avait à cœur de ne pas inquiéter sa sœur et ses parents outre mesure, mais comment expliquer l'ampleur de sa tâche alors qu'elle-même en ignorait tout ?

– Parce que, Thaly. Le voyage est long et pénible et je devrais me montrer prudente...

– Et si c'est si difficile pourquoi tu ne viens pas avec nous chez les rebelles ?

Syrah retint un soupir, comme elle aurait aimé que cela soit aussi simple :

– Je n'ai pas le choix, ma chérie. Mais je vous rejoindrai le plus vite possible.

– C'est promis ?

– Promis, Allez ! Fais-moi un joli sourire, que je l'emporte dans mes valises !

Thaly consentit un demi-sourire, et Syrah l'enlaça avec tendresse.
Elle se trouvait méprisable de lui mentir ainsi, mais comment expliquer cela à une fillette de six ans qu'elle n'eût aucune idée du temps que demanderait son voyage ni même si elle pourrait revenir un jour ?

Ce fut ensuite au tour de son père : toujours très pudique, il se contenta d'une embrassade sans un mot. Il regarda sa fille un long moment, les yeux brillants. Syrah sentit sa gorge se serrer un peu plus. Un frisson désagréable lui traversa le corps alors qu'elle tentait de se donner une contenance.

Sa mère ne montra pas autant de retenue, elle ensevelit sa fille dans une étreinte qui lui coupa le souffle. C'en était trop. Syrah laissa le barrage se rompre et pleura en silence sur l'épaule de sa mère.

Johanna lui caressa les cheveux et lui prodigua mille conseils :

– Sois prudente, ma fille. Tu as toujours été forte, j'ai confiance en toi. Ne te fie à personne, seul ton instinct te sera fidèle. Reviens-nous vite...

La litanie se poursuivit encore quelques minutes. Enfin, quand elle ne trouva plus rien à dire, elle essuya les larmes de sa fille puis au coin ses propres yeux. Elle déposa un dernier baiser sur la joue fraîche de celle qui était à présent la porteuse d'âmes.

Symbiose - La porteuse d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant