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Je connais plusieurs de mes adversaires, et parmi ceux là, deux sont très doués et peuvent foutre en l'air ma partie.
Sauf que je connais leur façon de jouer par coeur.
Les plus dangereux sont ceux que je ne connais pas. Et ma facilité à me déconcentrer.

Toutes les conditions sont réunies pour cela : quelqu'un m'attend dans ma chambre et d' y penser peut me troubler. Mais vu la motivation que cela me donne, je vais les massacrer.

J'ai un objectif : Gagner le maximum, et perdre le minimum.

Deux heures après, je suis un peu moins serein. Je viens de perdre 6000 euros. En une partie. Je me foutrais volontiers des baffes.

Bon, il faut dire que mon adversaire est costaud. Il ne lâche rien.
J'ai gagné beaucoup, à peu près 70 000, mais peu perdu. Du coup, je me suis un peu déconcentré, et il a vu ma faille.

Mais, je suis de retour. Et il l'a compris vu le clin d'oeil qu'il vient de faire.

Deux autres heures après, je joue la dernière partie. Nous ne sommes plus que lui et moi. Les autres ont abandonné. Il y a à peu près 85 000 sur la table. J'ai un jeu de fou. Et je le sais, il bluffe !! J'ai repéré son tic. On joue depuis presque cinq heures.
Que je gagne ou pas, c'est ma dernière partie.
Je suis fatigué. Et c'est dans ces moments là, qu' on peut tout perdre.
Il pose ses cartes, je souris et il a compris avant même que je pose les miennes. Je récupère mes gains.

- Bravo ! Me dit-il, j'avais la main sur les deux dernières parties, du coup, je me suis crû vainqueur. Bien fait pour moi. Tu me laisses une possibilité de me refaire ?

- Non, désolé. Je rentre. On se verra sur une prochaine partie.

Putain ! Je n'y crois pas, je me suis fait 160 000 euros. Un kiff total. Les premières fois que j'ai gagné des sommes conséquentes, je partais insouciant l'argent en poche. Après une agression en règle et un dépouillement, j'opte, quand la partie est légale, pour un virement !
Il est 4h du matin, le temps de rentrer il sera presque 5 h. Je ne peux pas lui envoyer un sms , elle doit dormir.
Je fais la route à une vitesse normale, sur un petit nuage.
Demain, je l'emmène faire du shopping.

Je gare ma voiture devant l'hôtel, à cette heure là, le garage est inaccessible.
A la porte, je me fais très discret. Il fait noir et je n'entends pas un bruit. Elle doit dormir, j'ai bien fait de ne pas l'appeler. Je vais en silence vers la salle de bain.

En temps normal, j'aurais pris une douche, avant de boire une bière et manger des popcorns. Mais là, Lisbeth dort, je ne vais pas la réveiller pour un petit rituel d'après- poker.
Pourtant j'aurais été très content de la serrer dans mes bras, de fêter ma victoire avec elle.

- Tu devais m'appeler, non ?

- J'avais peur de te réveiller, ticoeur.

- Un sms ne m'aurait pas réveillé. Au moins, tu aurais pu profiter de ta bière et des popcorns. Tu le fais toujours, tu m'as dit. Je ne VEUX pas que tu changes tes habitudes pour moi. Sinon je m'en vais dès demain.

- Tu as fait monter une bière et des popcorns ? Juste pour moi ?

- Il ne fallait pas ? Ça porte malheur ? Oh merde , je n'ai pas réfléchi. Quelle idiote !

- Arrêtes ! Tu n'as rien fait de mal. Je suis touché par ton geste. Sérieux. Sors du lit, Lisbeth. Viens me rejoindre.

- Tu as gagné ?

- Perdu aussi. Beaucoup perdu.

- Désolée. A cause de ma présence ?

- Non, ou alors je vais être obligé de te garder tout le temps avec moi.

- Je comprends pas.

- Normal, je suis un connard, tu te rappelles ? J'ai fait un braquage ce soir, ticoeur. J'ai gagné une somme de folie et je ne crois pas que tu me portes malheur.

- Tu es content alors ?

- Ouais. Carrément.

- Alors tu veux ta bière ?

- Si tu restes avec moi, sinon je viens juste me coucher.

- Tu as sommeil ?

- Pas vraiment, non ! Trop d'adrénaline dans le sang .

- C'est toujours comme ça ?

- Non. Quand je perd gros, je m'oblige à rester enfermé dans la chambre. J'ai une tendance à chercher l'embrouille pour pouvoir me défouler.

- Et quand tu gagnes ?

- En fait, c'est un peu pareil ! Je sors, je paye des coups à tout le monde... Et ça finit par des coups de poings.

- Ce soir aussi ? Tu vas chercher un moyen pour t'embrouiller ?

- Non ! Je n'ai pas envie. Tu m'as manqué ce soir. Sérieusement, à un moment de la soirée, j'ai perdu gros. J'ai failli tout lâcher et rentrer.

- Et ?

- Je me suis donné une deuxième chance et je ne regrette rien. Et toi ? Tu as fait quoi ?

- J'ai mangé, pris un bain et je me suis occupée de moi. Ça faisait longtemps. Dit-elle en rougissant. Puis j'ai regardé la télé. Demain je pourrais aller au lavomatique ? Je vais pas tarder à manquer de vêtements.

- Non ! Demain, c'est shopping ! On va faire chauffer ma carte bleue.

- D'accord mais faut quand même aller au lavomatique.

- Tu auras des fringues demain, pas besoin !

- Là, tu cherches les embrouilles ?

- Non, ticoeur. J'ai juste envie de te faire plaisir. En faisant du shopping pour toi et moi.
S'il-te-plait.

- Pourquoi ?

- J' ai envie de te faire plaisir. L'argent, ça sert à ça, se faire plaisir ! Laisse-moi faire .

- Moi, je crois que tu es épuisé. Tu ferais bien d'aller te coucher.

- Quand tu m'auras dit oui

- Ah tu fais dans le chantage, maintenant ? Oui, tu es content ?

- Très content, ticoeur.

- Dylan ? Est-ce que demain je pourrais regarder un truc sur ton ordi ?

- Pourquoi tu ne l'as pas fait ce soir ?

- Aller sur ton ordi sans te demander avant ? Cela ne me viendrais pas à l'idée.

- T'es une drôle de petite bonne femme, Lisbeth. Je vais prendre une douche, j'arrive. Je pue la clope et la sueur. Je vais empester le lit.

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Je vais sous la douche, d'étendre mes muscles. Elle n'a pas utilisé mon ordi parce que je n'étais pas là. Aurais-je fait pareil ? Sûrement pas. Je vais lui en offrir un, demain.
Pourquoi ?
Parce que je le peux ?
Non, tout simplement, pour voir le sourire de tout à l'heure. Le plus souvent possible. Pas la peur.

LibreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant