Lisbeth est revenue très vite, les yeux brillants. Elle est venue s'asseoir sur le canapé, à côté de moi.
Je suis en mode zapping sur la télé. Nous sommes silencieux, tous les deux.
Je ne veux pas lancer de conversation, j'ai trop peur de ce que cela pourrait déclencher.- Tu as faim ? Tu veux que je commande un truc ?
- Non. Mais si tu as faim, ne te gêne pas !
- Pas encore. Un peu tôt pour moi. Tu veux que je télécharge un film ou je branche ma console et on joue ?
- Comme tu veux. Je n'ai jamais joué à la console donc je vais être une nullité.
- Je ne suis pas non plus très doué. Le plaisir de jouer à la console implique des gens avec qui jouer.
Je ne ballade pas des amis dans mes bagages. Tu veux jouer avec moi ?- Pourquoi pas. Dylan ? Merci pour les fringues.
- De rien. On s'est bien marrés, non ?
- Si. Et merci pour ton silence.
- Ne pars pas, Lisbeth. Tu es en train de me dire adieu à ta façon. Ne pars pas.
Je ne cherche pas à découvrir quoique ce soit.
Reste !- Je suis fatiguée, Dylan.
- Justement. Repose-toi. Ici, tu es avec moi. Personne ne te connaît. Profites-en.
- Ça me fait peur. Des gens désintéressés comme toi, ça n'existe pas.
- Je ne suis pas désintéressé. Je suis seul. Je ne me livre pas aux autres. Jamais. Avec toi, je suis apaisé. En fait, je profite de toi.
- D'accord. Si je te rends service, je reste. Alors tu me le donnes ce cours de console ?
- Ouep. Foot ou Mario ?
- Sérieux ? Foot ? J'y connais rien au Foot !
- Ah Ah ! Mario donc.
Une heure après, on rigole tellement que j'en ai mal au ventre. Elle est encore plus nulle que moi. Mais franchement, je m'en fous. J'ai l'impression de la connaître depuis toujours. Il est presque vingt heures. Je suis sur le point de commander à manger quand mon portable sonne.
- Ouais ! Salut Ryan.
Elle fronce les sourcils, et commence à se lever du canapé où elle était assise. Je lui fais signe de stopper et j'écris sur la feuille à côté de moi.
"Il ne viendra pas"
- Ça va ! Et toi, quoi de neuf ?
Ah ok ! Bonne route alors. On se verra une autre fois. Lisbeth ? Elle est partie ce matin. Bye.Elle est immobile.
- Il s'en va. De la ville. Pourquoi tu es si tendue avec lui ?
- Je sais pas. Son métier. Pourquoi tu lui as dis que j'étais parti ? Tu mens à ton pote.
- Mon pote ? Ryan ? Il m'a vu à un tournoi de poker, il y a très longtemps. Je l'ai rencontré la veille de la soirée bowling. C'est tout. Je n'ai pas de potes, ticoeur.
- Pourquoi il t'appelle alors ?
- Il avait peut être besoin de compagnie, tout simplement. Il a été à la hauteur, pour toi.
- Ouais, justement. J'aime pas les hasards.- J'ai fait pareil. Tu veux qu' on s'en aille demain ?
- Juste parce que je flippe ?
- Lisbeth, je te parle juste de changer de ville, pas autre chose. Je le fais tout le temps. Oui ?
- Oui ! Où tu veux aller ?
- On bouffe et on y réfléchit ? J'ai envie de pâtes. Bonsoir. Mr Prescott. Vous avez des pâtes ? Bolognaise? Carbonara ?
Deux bolognaises. Vin rouge. Merci.Nous mangeons en réfléchissant de notre destination. D'office, je sais que j'élimine Paris.
- Rennes ? Trois heures de route. Des hôtels sympas. Ville sympathique.
- Tu connais toutes les villes ?
- Non. Nantes ? Plus loin. Grande ville. Pas trop envie.- Pourquoi ?
- Trop de possibilité de rencontrer des gens. Je préfère des villes moins grandes. De toute manière, je ne vais pas faire de partie avant un moment. Donc, je peux aller où je veux.
- Je peux te poser une question ?
- Oui.
- Tu fais cela depuis combien de temps ? Passer de ville en ville .
- Bientôt quatre ans. J'aime cette sensation de liberté.
- Sensation ?
- Ouais, ticoeur. Sensation, on est jamais libre. Et moi je peux t'en poser une ?
- Oui.
- Tu es majeure ?
- Oui. J'ai 20 ans, réellement. Ça aurait posé un problème ?
- Non. Juste pour savoir. Et si on restait ici encore quelques jours ?- Il faut juste que j'accède à ton ordi. Ne me pose pas de questions là dessus, ok ?
- Pas de soucis. Il est sur la table. Mon code c'est Bob. No comment !
- Ah Ah !
Elle s'installe. Quelle drôle de nana ! Elle fuit qui ? Car je n'ai aucun doute là dessus. Elle est en fuite. Elle s'ouvre petit à petit. Mais dès que j'avance trop vite, elle est prête à prendre la poudre d'escampette. Alors, gamin, vas-y molo.
J'entends le bruit de ses doigts sur le clavier. Elle respire fort, signe de concentration. Elle arrête l'ordi et revient sur le canapé.
Je la regarde, elle ne dit rien. Son visage n'exprime rien.
Je passe mon bras autour de sa taille et l'approche contre moi, sans rien dire. Elle ne me rejette pas. Je pose mon menton sur sa tête, et je ferme les yeux.
Au bout d'un long moment, je la sens s'endormir. Je resterai des heures comme cela. Sans problème.( Lisbeth)
J'ai l'angoisse comme à chaque fois. Je suis consciente que le jour où je lirais qu'il s'est évadé, je serais déjà en sursis. Mais je n'ai pas le choix. Il est toujours là bas. Je retourne vers Dylan, et quand il m'enveloppe de son bras et me serre contre lui, je n'ai pas envie de le repousser. Je me sens bien près de lui. Je ferme les yeux cinq minutes.
- J'ai dormi longtemps ?
- Une petite heure. Alors, on reste ou on se casse ?
- On peut rester.
- J'ai cherché des trucs à faire. Y a un complexe aquatique, ça te dit ?
- Pas de maillot de bain.
- Allons ticoeur, fausse excuse ! La vraie raison ?
- J'aime pas montrer mon corps, point barre !
- Ok ! On trouvera autre chose. Demain, je vais aller courir, tôt. D'accord ?
- Tôt quelle heure ?
- Sept heures ! Tu veux venir ?
- Ouais. Si ça te pose pas de soucis ! Je suis pas une accro mais j'aime bien. Dylan ?
- Quoi ?
- Je suis contente d'avoir accepté ta proposition. Sincèrement.
- Moi aussi, ticoeur, moi aussi. Je peux faire une partie de poker ?
- Je peux te regarder ? Sans un mot !
- If you want !
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Libre
General Fiction25 ans et libre de ses mouvements. Joueur de poker plutôt doué - en tout cas suffisamment pour lui donner la possibilité de pouvoir vivre à l'endroit où il veut le temps qu'il veut. Des attaches ? Il n'en veut pas. Des rencontres ? Pourquoi pas ; m...