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Je remonte dans la chambre, avec les affaires de Lisbeth. Elle est encore dans la salle de bain.

— Ticoeur, tes affaires sont dans la chambre.

— Merci. Tu peux sortir ou te retourner, s'il te plaît ?

— Non. Je crois qu'il est temps que tu me montres.

— Je ne suis pas prête.

— Comme tu veux. Je ne sors pas.

Elle soupire derrière la porte, puis sort. Elle est enveloppée dans un long peignoir.

— J'ai bien fait de ne pas sortir, j'aperçois à peine tes chevilles.

— Ce n'est pas une raison.

—Tu es ridicule. On dort dans le même lit. Si je veux voir ton corps, ce n'est pas très compliqué. Je préfère juste avoir ton accord.

— C'est difficile pour moi.

— Je te crois. Laisse-moi le faire.

Je m'approche lentement d'elle. Je ne la quitte pas des yeux. Je veux qu'elle accepte. Je détache la ceinture de son peignoir. Elle respire fort, mais ne m'arrête pas. Je ne sais pas si je dois parler. Mais je veux la rassurer.

— Je vais me mettre derrière toi, et ouvrir ce peignoir. Tu as juste à dire "non" et je stoppe tout.

— Oui.

Je pose mes mains sur les côtés du peignoir et je commence à l'ouvrir.

— Je vais le faire, chuchote-t-elle.

Elle ôte le vêtement d'un mouvement rapide. Puis se cache la poitrine de ses bras croisés.
Mon Dieu ! Son dos est recouvert de cicatrices plus ou moins récentes. Des zébrures que je connais bien. Mais aussi d'autres marques.
Elle tremble, le souffle court.

— Depuis quand ?

Silence. Elle se recouvre de nouveau. Puis s'asseoit les genoux sous le menton. Au sol. Je la rejoins. Et j'attends. Je sais qu'elle est prête.

— A un moment de ma vie, j'ai eu aussi certaines de tes marques. Des zébrures de fouet.

— Qui te les a faites ?

— Mon père. Et toi ?

— Je ne sais pas si c'est mon père. Je suis juste à lui.

— Explique-moi ça.

— Expliquer quoi ? Je ne suis rien. Je lui appartiens c'est comme cela. Depuis le plus loin que je me rappelle.

— Tu es seule avec lui ? Personne d'autre ?

— Je n'en ai jamais vu. Juste lui.

— Pour tout ?

— Il n' y a toujours eu que lui. Pour la toilette, les repas, les coups. Que lui.

— Et les coups ?

— Je n'écoutais pas !

— Viens là, Lisbeth. Viens dans mes bras. J'en ai besoin.

— Moi aussi. Toi, raconte moi. Pourquoi ?

— Pour faire de moi un homme fort. A son image. Pour que je lui ressemble.

— Moi, juste car je lui appartiens. J'ai très vite compris qu'il pouvait décider de me tuer ou de me laisser mourir. S' il en avait envie. Sans que cela le dérange.

— Et tu oses dire que tu es faible.

— Dylan, je ne le laisserai pas me reprendre. Vivante.

— Tu as fait comment la première fois ?

— C'était facile. La porte n'était pas verrouillée. Je suis sortie. Il m'attendait. Après m'avoir corrigé pour mon acte, j'ai compris qu' il l'avait fait exprès pour me tester.

— Il t'a battue ?

— Oui. Et il a resséré son emprise. Il m'a fallu beaucoup de temps pour préparer ma fuite.

— C'était quand ?

— Quatre mois et dix-huit jours. Ridicule.

— Tu es à... lui depuis combien de temps ?

— Je ne sais pas.

—Mon Dieu.

— Et toi ? Raconte moi.

— Je n'étais pas prisonnier. Ma prison était une belle cage dorée. Très longtemps, cela me convenait très bien. J'avais tout. Moi aussi, je suis tombé dans son piège.

— Mais tu es parti ? Il te cherche ?

— Je crois qu'il sait où je suis. Mais il ne fera rien sans mon accord. Il ne me veut que si moi je le veux.

— C'est pour cela que Nils était en colère ?

— Oui. Je voulais lui demander son aide. Pour toi.

— En échange de toi ? C'est cela ?
Plutôt crever, Dylan. Jamais.

—On va réfléchir à un autre moyen. Ensemble, ticoeur. Il n'est pas question qu'on nous sépare, pas vrai ?

— Pas question.

                    ***

(Benjamin)

Comment ça, j'ai le droit ? Cela veut dire que... non, non Je me retiendrai.
Et j'échouerai !
Espèce de salopard. Tu veux m'humilier, c'est cela ?
Tu penses que je suis tellement nul. Évidemment.

Tu ne me connais pas, Papa ! Je change.
Je me tortille, me mettant sur le côté et je me laisse aller. Complètement. Ma vessie est vide, maintenant. Mes larmes, elles, coulent. Ce n'est pas de la honte mais de la rage.
Pour la première fois depuis très longtemps, je me sens fort.

(L'homme)

J'avais raison d'y croire. A force de tirer sur la corde... Pourtant, le premier avait montré que cela pouvait arriver. Mais il n'a pas compris la leçon.

Tu te fais vieux !

Je n'aurai pas parié sur lui.

Les deux premières épreuves. L'entendre pleurer comme un bébé. Puis hurler.
Pathétique.
Mais, contrairement à Dylan, l'humiliation l'a fait réagir. Et, les larmes que je vois sont de rage. Tout compte fait, ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée que cela, Monsieur ! Je vais peut- être l'avoir ma vengeance.
Il est temps d'appeler.

— Tu veux toujours des informations ? De première main ?

— Si elles sont intéressantes, oui !

— Il est bien là, avec son papa.

— Comment va-t-il ?

— Papa va bien, Benjamin aussi. Pour l' instant...

— Combien ? Pour le faire sortir.

— Je ne veux pas d'argent ! Pas cette fois-ci. Je veux beaucoup plus. J'attends depuis très longtemps.

— Oh je vois. C'est un très gros morceau !

— J'ai tout le nécessaire. Je collecte depuis de nombreuses années. Cela est-il satisfaisant ?

— Très alléchant ! Benjamin peut attendre combien de temps ?

— Encore quelques jours ! Je vous rappelle, discutez-en.

Réfléchis Nils. Déjà même si Benjamin est bien où je le redoutais, il est en bonne santé. Mon informateur a tout intérêt à jouer franc jeu avec moi. Je suis une source de revenus non négligeable. Mais je ne regrette en rien mon investissement. Si grâce à lui, je peux rendre la monnaie de sa pièce à Monsieur Prescott. Ce sera avec plaisir. Dylan et Benjamin ne m' en voudrons pas.
J'ai même une idée. Oui, ce serait possible. Allons parler avec Dylan. Et Lisbeth.

LibreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant