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Benjamin dort sur le canapé. Je suis surpris par son poids quand je le soulève pour l' emmener dans sa chambre.
Il est vraiment très léger, beaucoup trop.
Bob est appuyé à la porte de sa chambre.

— Il ne va pas être content.

— Depuis quand est-il si maigre ? Pourquoi me l'as-tu caché ? râle-t-il.

- Il ne sait pas que je m'en suis rendu compte. Il dort peu et très mal. Il mange peu ou il le rend.

- Il se fait vomir ?

- Non. Il est épuisé. Les images tournent en boucle dans sa tête. Il est fort, il a appris à dissimuler.
Tu es important pour lui. Il ne veut pas te décevoir.

- Me décevoir ? s'exclame-t-il, je ne suis pas notre père. Moi aussi je fais des cauchemars. Je pleure.

— Il faudrait que vous passiez un peu de temps ensemble.

— Je le crois aussi. Tu vas faire quoi, maintenant ?

— Continuer à vous aider, pour l'instant. Après, je verrais. Et toi ? Tu vas rester sur les routes ?

— Je ne sais pas. Ça me plaît, je suis libre et je gagne bien ma vie. D'ailleurs, j'ai une grosse partie ce soir. Je peux gagner 70 000, ajouté-je un peu ventard sur les bords.

— Ah oui, quand même ! Je suppose que l'accès est limité ?

— Oui. J'ai certains atouts.

Nous descendons. Nils est dans son bureau. Al et Lisbeth sont en train de regarder la télé. Pour être au mieux de ma forme ce soir, il faut que je me défoule : je vais aller courir.

Je fais signe à l'homme de garde, afin de lui expliquer que je vais courir.

Je dois me vider la tête. Lisbeth est en train de vivre des trucs durs, Benjamin va mal.
Et moi, j'ai besoin de fric. Je veux que Lisbeth vive avec moi, me suive, je veux pouvoir lui offrir des trucs.
Alors, la partie de ce soir serait peut-être un bon moyen.
Quand je rentre une bonne heure plus tard, plus de Lisbeth.
Je monte pour prendre une douche. Elle est allongée sur le lit en train de lire.

— Tu as bien couru ?

— Ouep. Ça faisait très longtemps. Tu lis ?

—  Oui.Je sais lire, réplique-t-elle sèchement.

— C'est la première fois que je te vois faire, c' est tout !

— Et toi, avais-tu l'intention de me dire que tu avais une grosse partie ce soir ?

— Tu es inquiète, ticoeur. Je peux ne pas la faire.

— Dylan. Tu vas aller prendre ta douche, puis grignoter un truc. Après je te masserai la nuque. Et je resterai avec toi, pour te soutenir, t'attraper à boire.

— Ticoeur, je peux aussi me débrouiller tout seul.

— Ça me concerne un peu, non. Si je reste avec toi, cela arrivera régulièrement. Tu veux toujours que je te suive, hein Dylan ?

— Tu le sais bien. Je n'ai pas envie de me séparer de toi. Tu ne dois pas en douter, expliqué-je.

— Pourquoi cette partie est si importante, Dylan ?

— Elle n'est pas si importante, à part pour la somme que je peux y gagner. Et parce que ça me manque. J'aime jouer. Je ne suis pas accro, mais j'aime l'adrénaline, la montée du stress chez mes adversaires. J'aime toutes ses sensations.

— Tu crois que je t'empêcherai de jouer.

—  Non. Mais que tu n' ai plus envie de me suivre, certainement.

— Je n'en suis pas aussi sûre. Passer d'une ville à une autre me convient.

— Tu ne seras plus en fuite, ticoeur. Tu pourras reprendre en main ta vie. Apprendre un métier.

— Je ne me sens pas capable de cela. J'ai peur des gens. Il m'a trop longtemps enfermé, physiquement et psychiquement. Il me faudra du temps pour faire confiance.

— Tu as bien réussi avec moi !

— Oui, justement. J'ai une pleine confiance en toi. Je crois, non je suis sûre que j'arriverai à commencer à me réparer à côté de toi.

— Viens là. J'accepte, ticoeur. Je vais essayer de mériter cette confiance. C'est une sacrée responsabilité. Je vais prendre ma douche, tu m'attends ?

— C'est à quelle heure ?

— Vingt deux heures, pourquoi ?

— Je vais en bas chercher ce qu'il faut, d'accord ?

— Vas-y. J'ai besoin de me recentrer, sur la partie à venir. Tu peux faire quelque chose pour moi ? M' excuser auprès d' eux ?

— Bien sûr. Whisky ? Pop-corn? Je n'oublie rien ?

— Si. L'essentiel. Toi. Mon coeur. Toi.

Il n'a pas dit ticoeur. Il a dit mon coeur. Est-ce que la signification de ce mot est la même pour lui que pour moi ? Je ne sais pas. Je ne connais rien à ce sentiment. Je sais juste qu'il déclenche des trucs bizarres chez moi. Mon coeur bât plus fort, mais pas comme quand j'ai peur. Non là, c'est agréable.

J'arrive dans la pièce principale, Nils et Al sont là. Devant une bière.

— Ça va, Lisbeth ? s'inquiète Al.

— Oui. Dylan ne mangera pas avec nous. Il a une partie ce soir. Il s'excuse.

— Ce n'est pas grave. Il a besoin de se retrouver avec ça. De reprendre le contrôle en quelque sorte. Tu manges avec nous, toi ?

— Euh... Je... J'aime le regarder jouer. Il est tellement concentré, silencieux. Seul son corps parle, balbutie-t-elle.

— Tu as l'air d'apprécier en effet ! Popcorn, whisky, je suppose ? Et toi ? Tu te nourris de quoi ?

— Ce que tu as, qu' importe !

— Tiens. Je t'ai mis des gâteaux salés et sucrés et à boire. Bonne soirée.

— Merci. Nils, il a beaucoup de chance de t'avoir comme ami.

— L' inverse est aussi vrai, Lisbeth. Plus que tu ne le crois !

                        ***

Elle me regarde avec ce drôle de sourire. Puis, elle se retourne et se dirige vers la chambre, rejoindre Dylan.

— Est-ce que, comme moi, tu as ce sentiment que quelque chose a changé, entre eux.

— Oui, Nils. C'est troublant. Ils étaient déjà tellement proches. Là, c'est autre chose. J'espère qu'il en est conscient. Elle est très fragile. Je ne sais même pas comment elle a pu sortir de là sans perdre la raison. Une erreur serait fatale.

— Dylan est un homme très prudent et très attentif. Il ne fera pas d'erreur. Je crois. Il me tarde de choper ce salopard. Tu feras quoi, après ?

— Je ne sais pas. Je crois que je vais m'installer pas loin d' elle. Pour être sûr.

LibreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant