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— Ça va vous deux ? Toujours vivants ? demande Al au pied de la voiture

— Ouais. Envie de pisser. Sinon, sérieux, je n'ai pas vu passer le temps, répond familièrement Dylan.

— Moi aussi, à vrai dire.

— On va manger dans le bateau, c'est prévu, intervient Nils.

— Merci. Ah au fait, Al, Dylan trouve que tu conduis mal.

— Il a raison, j'ai fais exprès de viser les trous sur la route, afin de vous tenir éveillé, précise-t-il tout sourire.

Elle reste bouche bée et je la comprends : Al vient de faire une blague, enfin je crois que cela en était une.

Sur le quai relativement désert, un petit bateau de pêche, parfaitement discret.

— Ton ami pécheur, je suppose ?

— Exactement ! Nous ne voulons pas attirer l'attention. Il va nous amener auprès de l'endroit où nous attends mon jet. Accompagnez mademoiselle dans la maison, s'il vous plaît demande Nils, à un homme près du bateau.

— Tu es quelqu'un de très organisé, Nils, remarque Dylan tout en jetant un œil sur Lisbeth.

— Nuance, Al est très organisé, moi je me contente de lui fournir les moyens financiers. Quelqu'un d'autre m'aide. Al a dû t'en parler.

— En fait, je n'en ai pas encore parlé à Lisbeth, explique Al, très mal à l'aise.

— Pour quelle raison ?

— Il n'a pas l'air de vouloir s' identifier. Inutile de la faire souffrir avec cela pour le moment.

—Tout à fait d'accord avec cela.

— Comment te sens tu, Dylan ?

-- Pour être tout à fait honnête, Nils, l'idée de revoir Benjamin m'angoisse.

— Bob dit qu'il va bien. Choqué, mais il réagit plutôt bien.

— C'est de ce choc que j'ai peur. J'aurai pu lui éviter.

— Comment tu aurais fait ce petit miracle ?

— En ne fuyant pas, par exemple. J'aurai continué à être sa cible, marmonne-t-il.

— Et tu serais devenu l'homme qu'il voulait que tu deviennes. Tu vois Dylan, je préfère l'homme que j'ai devant moi.

— Moi aussi. Je monte sur le pont fumer, dis-je en voyant Lisbeth, qui est revenue, en pleine discussion avec Nils.

La traversée a été rapide et agréable. Avec un repas simple mais bon.
Lisbeth était songeuse. J'aimerai pénétrer dans cette tête afin de connaître ses pensées.
Comment pourrais-je lui promettre que tout va s'arrêter, qu'elle va être en sécurité.
Je suis à peu près sûr que nous allons la débarasser de Sastus. Mon père est un sale type, mais il n'échoue jamais. Mais que compte faire l'autre, celui qui serait son frère ? Qui préfère rester à l' écart. Gentil ? Malveillant ? Intéressé ? Toutes ces incertitudes vont me rendre dingues.
Pour l'instant, nous avons décidés de garder ces infos secrètes. Elle sort d'une très mauvaise période, où elle n'avait plus la force de s'alimenter seule. Peut être   faisons-nous une bêtise, l'avenir nous le dira.

— Nous allons accoster. Une voiture nous attend. Elle nous conduit à l'avion. Tu pourras te reposer Lisbeth.

— Tu as tout organisé, Nils ? Je ne sais pas comment je vais faire pour te rembourser.

— Moi, je sais : Tu laisses tomber. Je peux le faire, j'ai des moyens logistiques et financiers. Je les mets à disposition, c'est tout.

— Tu es un homme surprenant, Nils. Après tout ça, est-ce que tu accepteras que je prenne du temps pour te connaître mieux ?

— Oui, Lisbeth. Avec plaisir. Tu sais, tu m'as déjà remboursé sans le vouloir. Depuis que Dylan te connaît, il est... différent. Plus ouvert. Et ça me plaît beaucoup.

— Vous êtes semblables et en même temps tellement différents. A te voir, tu sembles gérer tout à la perfection, ne pas douter.
Dylan, lui, semble ne jamais se faire confiance. Il a tord. Moi, je la lui accorde sans hésitation, achève-t-elle en le fixant.

— Dois-je comprendre que tu ne me fais pas confiance ? demande Nils, un peu vexé.

— Je ne te connais pas suffisamment. Mais je fais confiance à Dylan.

— Tu penses le connaître ? insiste mon ami.

— Il est là pour moi, tout le temps. Il n'a jamais abusé ou tenté d'abuser de moi. Il est patient. Il me rassure.

— As-tu réfléchis à la suite ? Ce que tu aimerais faire ?

— Pas vraiment. Je n'ose pas croire que cela puisse arriver. Je crois que j'aimerai vivre sans cette peur continuelle. Je ne sais pas ce que c'est. Après, peut-être apprendre un métier.

— Tout un programme ! Et où tu mets Dylan ?

— Ne lui répète pas, s'il te plaît. Pas très loin de moi.

— Es-tu amoureuse de lui ?

— Je sais pas. Je ne connais pas ce sentiment ! Je n'ai vécu qu'avec Sastus, me répond-elle, sa voix se cassant à la fin de sa phrase.

( Nils)

Elle est là face à moi. Les yeux voilés par les larmes. Arrivera-t-elle à se reconstruire ? Aucune idée. Par contre, je sais que je vais tout faire pour l'aider. Qu'elle reste avec Dylan ou pas . Si mon argent peut être un moyen pour elle d'apprendre un métier, je lui donnerai. Sans hésitation.

Un quart d' heure après, nous montons à bord du jet. Et deux heures après, nous nous trouvons dans les voitures qui nous emmènent vers chez moi. Quel périple ! Presque six heures ! J'avoue être fatigué, et à voir la tête d'Al, je ne suis pas le seul. Dylan dort avec Lisbeth dans ses bras. Je lui touche l'épaule, il hoche la tête et commence à réveiller Lisbeth.

— Ticoeur, réveille-toi .

— Humm !! Laisse-moi dormir encore, me répond elle.

— On est arrivé. On va être chez Nils bientôt.

— Pas la force.

— Ok. Je vais te porter alors. Mode princesse ou mode sac à patates ? suggéré-je en rigolant.

—Aucune. Sur mes jambes. Deux minutes.

— D'accord. Pas plus, debout marmotte. Il reste un petit bout de route. Tout petit .

— Tu vas voir Benjamin ce soir ?

— S'il le veut.

— Pourquoi ne voudrait-il pas ?

-— Je ne sais pas. Je découvre que je ne le connais pas vraiment.

— Et ? Ça fait quoi ?

— Peur. J'ai toujours cru être celui qui protégeait. J'en suis moins sûr. Mon égo s'est pris une grosse claque.

— Tu seras d'accord pour que je le rencontre ?demande-t-elle, inquiète.

—Est-ce que je dois répondre à cette question ?

— Je ne suis pas sûre de lui plaire. Vous êtes tellement instruits , je ne veux pas te gêner.

— Tu es très intelligente, ticoeur. Jamais je n'ai eu honte de toi.

LibreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant