II

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                      Cette nuit, j'eus encore une crise.

Je ne comprenais jamais ce qu'il se passait lorsque ça arrivait. Les médecins disaient que c'étaient des hallucinations dû au manque de sommeil. C'est vrai que je dormais peu, alors je supposais qu'ils avaient raison ... Mais alors, étais-je condamnée à faire ces cauchemars jusqu'à la fin ...?

C'était à chaque fois la même chose. Je me réveillais, et tout grésillait. L'alternance entre un monde coloré et un monde sépia. Le monde coloré, c'était la réalité. Le monde sépia, je n'en avais pas la moindre idée. Tout y était déformé, de grandes ombres semblaient danser autour de moi. Je ne pouvais rien faire pour y échapper. J'avais l'impression d'être une proie pour ces méduses sombres qui agitaient leurs filaments dans un monde monstrueux. Qui étaient-elles ? Pourquoi les voyais-je ? Déjà en ville elles me hantaient. Qu'elles me fichent la paix ! Pourquoi essayaient-elles de m'attraper ? Je n'avais rien fait de mal, rien de mal ! Je courrais, je courrais mais ma vitesse restait celle de la marche. J'essayais de reprendre mes esprits, mais rien n'y faisait. Tout l'alentour devenait sombre, et les bâtiments ce mettaient à onduler, comme si mes mouvements créaient du remous dans l'air. C'était hypnotique, je n'arrivais pas à regarder un point fixe. Je n'avais aucun repère. Et pourtant,  c'était tellement réel ... Les proportions étaient respectées, je sentais l'air empoisonné sur ma peau, le goudron froid sous mes pieds ...  Pourquoi personne ne venait à mon aide ? Que quelqu'un vienne me secourir ! Si elles m'attrapaient ... Qu'allait-il se passer ...? Avaient-elles réellement envie de m'attraper ? Elles se contentaient de me suivre. Mais elles étaient effrayantes. Personne ne les voyait donc ? Pourquoi étais-je seule ? La solitude, ma peur la plus profonde. Je ne pouvais rien faire contre elles, elles finissaient toujours par me rattraper. Et moi, toujours par perdre, posant mes genoux au sol, la tête dans les mains, priant pour me réveiller.

Et je finissais toujours par retrouver la réalité, mais jamais à l'endroit où je l'avais laissée. Aujourd'hui, j'avais été réveillée sur le toit d'un immeuble.


     Je m'étais changée rapidement ce jour-là. Je me regardai dans la glace : j'avais tout de même une mine resplendissante ! Ma peau avait bien pris le soleil, on sentait qu'elle allait bien. Mes cheveux châtains clairs prenaient des reflets roux, et je trouvais que mon apparence illustrait parfaitement mon état d'esprit. Et pour accentuer, j'avais enfilé la tenue de sport la plus colorée que je possédais ; malgré la mauvaise nuit que je venais d'avoir,  je me sentais d'humeur à passer une journée joyeuse et active. J'étais de nature plutôt optimiste ; il fallait plus que ces mauvais rêves pour détruire mon moral ! C'était pour ça que je décidai d'aller courir un peu. Oui je sais, encore. J'adorais courir. Mais j'aimais d'autre chose aussi ... Par exemple, je jouais toujours aux fléchettes le matin ; aujourd'hui, j'avais atteint le cœur de la cible. Encore. Aaah, j'adorais jouer aux fléchettes, c'était sans doute pour ça que je m'étais mise à faire du tir à l'arc, en plus de la natation et du basket. Et du volley. Et des arts martiaux. Bon, en réalité, j'adorais le sport. En vérité, je consacrais une bonne partie de chacune de mes journées à ça. Mon appareil m'indiquait toujours que mon pouls était parfaitement régulier. Je m'étais beaucoup entraînée pour en arriver à une telle maîtrise de mon propre corps. Je devais encore travailler mes réflexes, mais je n'étais pas peu fière des progrès que j'avais fait ! En plus, cela me permettait de garder un corps en pleine santé. Bref.

En sortant, je me rendis compte que j'avais oublié mon Ipod chez moi. Tant pis, il fallait que je me passe de musique ! Je me décidai de passer cette fois-ci par mon parcours habituel : du sud, je passais par le parc et remontais par l'ouest. Mais dans un des petits quartiers par où j'avançais, je remarquai cette mignonne boutique de chocolat. J'adorais le chocolat ! Oui je sais, je sais, ça n'avait pas l'air très en harmonie avec mon système de vie, mais je n'y pouvais rien, j'adorais, le, chocolat. Je rentrai ainsi par cette adorable porte ; elle était ornée de petites fleurs roses et bleues. A l'intérieur, je me croyais dans un autre monde ; ce n'était pas du simple chocolat qui ce trouvait ici, c'étaient de véritables œuvres d'art ! Des sculptures de chocolat, chocolat au lait, blanc, noir, c'était magnifique. Le propriétaire me regardait en souriant. Lorsque je le remarquai, je me sentais un peu stupide de sourire niaisement ainsi. Mais ... Il faut préciser que j'adorais le chocolat. Rien que de baigner dans cette atmosphère, je sentais que je prenais du poids. Juste pour le pari, je jetai un œil rapide à ma montre connectée. Non, c'est bon, tout allait bien de ce côté. Le patron comprit mon intention, et rit un peu avant de me proposer de goûter à une sucrerie. Je lui souris aimablement et mis dans ma bouche un petit carré marron qu'il me proposait. Mhh! C'était simplement délicieux, le cœur était en nougatine, il me semblait. Magnifique, moi qui voulais passer ma journée à faire du sport, je me retrouvais piégée dans une boutique de chocolat. Je remerciai le monsieur, et lui promis de revenir faire des achats ici. Je repartis en trottinant.

Que le ciel était bleu ce jour-là, les fleurs de certains arbres commençaient à tomber ; c'était toute une multitude de parfum qui se mêlait à l'air frais du matin. Je n'avais pas attaché mes cheveux, je les laissai se balancer au rythme de ma course. Je fermai mes yeux et me laissais bercer par mes pas. Que je me sentais bien. J'étais presque à 9.5 de bonheur. Je voulais que jamais mon quotidien ne s'arrête. 


Mais mon quotidien était de plus en plus ... Perturbé. En ce moment, cela m'arrivait fréquemment. Trop fréquemment à mon gout d'ailleurs. Alors que je marchais paisiblement, je sentis une douleur aiguë au niveau de ma nuque. Non ... Pas encore ...! Ma vision se mettait à ... Grésiller, comme si je regardais un... Un écran, cassé. C'etait horrible, même lorsque je fermais mes paupières, l'image restait présente. Qu'est-ce qu'il m'arrivait ...? Cela me faisait un mal de tête épouvantable. De plus en plus puissant, mon pouls se transformait en un marteau cognant mes tempes. Je tombai a genou, tandis que j'essayais de me reprendre. Non ... Par pitié, je ne voulais pas revoir les ombres. Elles me terrifiaient. Qu'est-ce que je pouvais faire pour leur échapper ? Je n'avais pas d'autre choix que de courir. Aussi rapidement que mon état me le permettait.  N'y avait-il donc personne pour m'aider ??

Light OutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant