La pluie cessa. Il faisait un peu froid, même... J'étais passé devant les contrôleurs, ils ne me remarquaient toujours pas. C'est étrange, je me demandai à quoi servaient des sentinelles si elles ne remarquaient pas tous les potentiels dangers. Bien que je ne sois pas un danger. ... Ou l' étais-je ? ... Non, je ne pensais pas. Du moins je ne le voulais pas. Je me sentais si seul, en réalité. Je rentrai dans le cœur de la ville. A ma grande déception, toujours pas de vie. A moins que nous puissions appeler ces hommes-là "vivants". Il y en avait un peu partout, ils marchaient, en silence, lentement. Je m'avançai vers eux, j'aurai aimé leur dire quelque chose, leur faire signe, mais ils n'entendaient pas. Ils ne voyaient rien. Je crois que c'était à cause de ce casque. Ils étaient jolis, d'ailleurs. Ils émettaient une couleur particulière. J'aimais beaucoup les couleurs. Je me demandais ce qu'il fallait faire pour les ramener. Dans tout les cas, ce n'était pas comme si je pouvais changer quelque chose. Je ne pouvais pas les aider.
Je continuais de marcher ; les rues étaient emplies de personnes immobiles. Attablées dans des cafés, assis sur des bancs, des fois immobiles au milieu d'un parc. J'essayais d'imaginer ce qu'ils étaient entrain de faire dans l'autre monde. Oui ... Ces deux femmes devaient être entrain de papoter joyeusement ; leur bouche était assez crispée pour y discerner un sourire. Cet homme-là, il devait être entrain de courir. Cet enfant immobile avec un ballon à la main était clairement entrain de jouer. Je me décidai à m'asseoir sur le rebord d'une petite fontaine qui trônait au centre ; j'avais ainsi une vue d'ensemble sur la petite place inanimée. Je levai la tête, un peu, et regardais le ciel. Même lui n'avait pas de couleur ; il était vaguement grisâtre, avec quelques nuages estompés. Pour le coup, je n'avais peut-être pas la notion du temps, mais je pouvais tout de même dire qu'ici, il semblait arrêté. Rien ne bougeait, tout n'était que torpeur. ... Une personne arriva. Elle était seule, celle-ci. Elle s'assit à côté de moi ... Est-ce qu'elle m'avait remarqué ? Elle se tenait penchée, la bouche entrouverte, le regard dans le vide. Ça y est, elle était immobile. Je crois... Je crois qu'elle était triste. Ce n'est pas que son visage exprimait réellement un sentiment, c'était juste ... Son aura qui semblait ternie. Que lui était-il arrivée, de l'autre côté ? Je penchai mon visage près du sien pour y rechercher son regard. Mais rien. Elle semblait perdue, elle ne me remarquait pas.
Ce monde me semblait tellement absurde. Était-ce réel ? Tout ce que je voyais, tout ce que j'entendais ...? Eux devaient penser qu'ils étaient dans la réalité. Peut-être que c'était moi qui étais bloqué ici, seul de l'autre côté. C'est dur, d'être seul. J'avais tellement de questions, mais personne pour y répondre. Tellement de craintes, mais personne pour me rassurer. Tellement envie de vivre, mais personne avec qui partager. C'est vrai. Étais-je seulement en vie ? Ce n'était pas si sûr. Peut-être que c'est pour cela que personne ne me remarquait. Mais si j'étais capable de tuer une fleur, c'est que je n'étais pas mort non plus. Je suis désolé, petite fleur... J'espère que tu te trouves dans le vrai monde maintenant, celui en couleur.
C'était un bruit de respiration bruyante qui me sortit de ma réflexion. Je levai les yeux ; une femme avançait péniblement sur un pont, à ma droite. Elle n'avait pas l'air blessée, mais elle traînait ses jambes et peinait à soulever ses pieds. Je n'avais jamais vu ça auparavant, on aurait dit qu'elle essayait de courir. Elle respirait de plus en plus fort, et avait l'air de s'étouffer. Elle ne savait sûrement pas que c'est l'appareil qu'elle portait sur la tête qui ne lui permettait pas d'être libre de ses mouvements. Alors qu'elle manqua de tomber, elle s'appuya sur le bord de la passerelle. Sa tête se laissa tomber lourdement ; ses cheveux volèrent un instant avant de suivre le mouvement de son crâne. Elle essayait de calmer son cœur affolé ; elle tenta à plusieurs reprise de respirer lentement. Je continuai de l'observer d'en bas, n'arrivant pas à comprendre quel était le souci avec cette personne.
VOUS LISEZ
Light Out
Science FictionJe ne peux plus me figurer combien de temps j'ai marché dans ces terres mornes et désolées. Les derniers êtres vivants sont enfermés dans les villes. Je ne sais pas ce qu'ils voient à travers leurs appareils, mais j'espère pour eux que c'est un mond...