Elle ne mourut pas. Elle se mit à tousser. De plus en plus fort. De sa gorge émanaient des sons roques et saccadés, et ses inspirations étaient beaucoup plus longues et bruyantes que ses expirations. Elle avait toujours la tête baissée, et visiblement elle tentait de mobiliser ses mains engourdies. J'étais mal pour elle, mais je n'avais aucune idée de ce que je pouvais faire pour l'aider ... Alors, je me contentai de poser une main sur son épaule, mais je compris aussitôt qu'elle n'avait pas remarqué encore ma présence, car à ce geste, son visage se releva vivement et me transperça d'un regard tétanisé. Elle me regardait. Elle avait de grands yeux marrons, et ils étaient écarquillés au possible. Ses lèvres tremblaient et tout son corps se mit à suivre. Je voulais lui dire que tout allait bien, qu'elle était enfin sortie de son cauchemar. Mais elle n'en m'en laissa pas le temps.
A peine eut-elle repris le contrôle de son corps qu'elle me poussa violemment de ses deux mains. Je reculai à l'impact. Pourquoi avait-elle fait ça ...? Je voulus lui demander, mais aussitôt ma main ne fut plus en contact avec elle que la femme s'enfuit dans une course désorganisée. J'étais resté quelques instants à la regarder prendre de la distance, mais je me rendais compte que je ne voulais pas la laisser seule. Alors, je me mis à sa poursuite.
Je ne courus pas, car j'avais remarqué qu'elle se dirigeait tout droit dans une impasse. Elle était à une trentaine de mètres devant moi, elle continuait de courir aussi rapidement que son état le lui permettait. Elle s'enfonça dans un de ces couloirs sombres, et je vis ses couleurs noircir dès son entrée entre les murs étroits. Elle ralentit sa foulée, et lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'avait pas de voie de sortie, tourna vivement sa tête. Ses cheveux valsèrent un moment dans l'air, et elle me regarda à nouveau. Elle respirait très rapidement ; sa poitrine ne cessait de se gonfler et dégonfler irrégulièrement, et ses sourcils étaient complètement crispés. Ses yeux était embués de larme. Je n'avais jamais vu de larme. En fait, je n'avais jamais assisté à une pareille expressivité. Elle s'était totalement retournée maintenant. Elle me faisait face, tout en reculant lentement. Elle avait l'air ... Tellement perdue. Mais pourquoi reculait-elle encore...? Moi en revanche, je continuai d'avancer. L'atmosphère était lourde ; il risquait de se remettre à pleuvoir dans peu de temps. Cette impasse était si sinistre, et les murs si rapprochés que peu de lumière parvenait à nous éclairer.
J'avançais, elle reculait. Lorsqu'elle sentit le mur dans son dos, je vis son visage se décomposer. Elle se retourna brusquement et se mit à tordre son cou de tous les côtés. Elle sauta sur une caisse en bois qui se trouvait au sol, et tenta de s'accrocher au rebord d'une fenêtre. Mais ses mains ensanglantées glissèrent et la fille tomba à terre. Je ne comprenais pas ce qui la poussait à agir de la sorte. Alors que je me trouvais à cinq petits mètres d'elle, elle reprit rapidement ses esprits et me regarda approcher avec épouvante. Elle se recula désespérément jusque dans un des coins de l'impasse, de là, ses premières larmes se mirent à couler. Elle se recroquevilla sur elle-même en sanglotant, et enfouit sa tête dans ses genoux. J'étais devant elle à présent. C'était affligeant. Je m'agenouillai, afin d'être à sa hauteur. Je la regardai un instant, ne sachant quoi faire, je me décidai alors à lui caresser le bras afin de l'apaiser. Sa tête resta poser sur ses genoux, mais à peine mes bras l'eurent effleurée que les siens vinrent se tendre devant moi. Elle avait posé ses mains sur ma poitrine et tentait de me maintenir éloigné. Elle n'était plus aussi vive à présent, on aurait dit qu'elle était sur le point de laisser tomber ... Je ne savais pas quoi faire. Pourquoi est-ce qu'elle me repoussait ? Je devais faire mal quelque chose, mais impossible de savoir quoi. Alors, je repoussai doucement ses mains, ce qui me permit de me rapprocher et d'essayer de toucher son visage. Je voulais seulement qu'elle me regarde, que je puisse la calmer, car je me sentais responsable de l'état dans lequel elle était. En fait, J'étais responsable. A ce geste, elle releva la tête et me laissa voir un visage empli de désespoir. Elle m'attrapa le bras, et tenta de le faire reculer. Mais rien ; c'est comme si elle avait perdu toute sa force. Ainsi, elle laissa tomber ses bras contre le sol, et ferma les yeux alors que je tenais sa tête entre mes deux mains. Ses larmes continuaient de glisser le long de ses joues, et sa bouche était à présent fermée ; la fille respirait bruyamment par le nez. Je restais un moment à la regarder. Son visage devait être couvert de poussière, car chaque passage de larme laissait des marques claires. Sa peau était affreusement pâle. Ses cheveux étaient emmêlés, et ils avaient l'air plutôt foncés, mais c'était difficile à dire étant donné que nous étions dans l'ombre.
Nous restâmes un moment comme ça. Sa respiration se calma petit à petit, ses yeux toujours clos. Alors, je me décidai à lui dire :
"Tout va bien."
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Light Out
Science FictionJe ne peux plus me figurer combien de temps j'ai marché dans ces terres mornes et désolées. Les derniers êtres vivants sont enfermés dans les villes. Je ne sais pas ce qu'ils voient à travers leurs appareils, mais j'espère pour eux que c'est un mond...