Nous ne bougions plus. Je tenais nerveusement le bras du garçon que je venais de réceptionner. Nous attendions, un son, un signe ... Mais après quelques minutes, toujours rien n'était arrivé. Les machines ne venaient pas. Étions-nous ... En sécurité, ici, sous terre ...? Je respirais le moins possible, guettant le moindre bruit suspect. Mais non, le silence envahissait l'atmosphère, qui devenait de plus en plus lourde. Après un moment, mes yeux furent suffisamment habitués à l'obscurité pour discerner les alentours. Une voie d'eau d'environ cinq mètres de largeur séparée notre rive de celle d'en face. Elles n'étaient pas très larges, mais suffisamment pour marcher à deux côte à côte. Alors que le garçon ne bougeait toujours pas, je me décidai à rompre le silence.
"Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?" Chuchotai-je.
Il ne répondit pas. Il plaça son index devant sa bouche -la bouche de son masque plutôt- pour m'inciter au silence. Je me sentais soudainement stupide d'avoir fait du bruit. Mais rien ne se passa. Il s'avança légèrement, je lâchai son bras. Il regarda droit devant lui, tourna la tête vers moi et me fit signe de le suivre. Je me mis ainsi en marche, tout en accélérant afin de revenir à son niveau. Il faisait tellement noir, je me demandai s'il voyait mieux que moi.
Tout était si calme. Seuls nos pas raisonnaient dans la gallérie souterraine. Je remarquai alors que les miens étaient bien différents des siens, je baissai le regard vers ses pieds ; en effet, le garçon de portait pas de chaussure. C'était curieux, mais je ne m'attardai pas plus sur ce qu'il y avait d'étrange chez cette personne. Un léger bruit d'eau qui coule nous accompagnait; je l'entendais à ma gauche. Il faisait froid, et sombre ... Si sombre. Mon adrénaline devait avoir bien baissé à présent, car je me sentais de plus en plus fatiguée. Mais nous marchions. Et l'atmosphère était de plus en plus pesante. Je n'ai pas spécialement la peur du noir, mais c'est clair que dans un milieu pareil, c'était tout sauf rassurant. Après ce que je venais de vivre, mon imagination s'amusait sadiquement à m'infliger d'étranges et terrifiantes pensées, imaginant ce qui pouvait bien être tapis dans l'obscurité. Je sentais mon estomac se serrer, et essayais de rester raisonnable. Je jetai un coup d'œil au garçon qui se trouvait juste à ma gauche; je discernais à peine son masque. Je me rapprochai de lui. Il n'était peut-être pas très chaleureux, mais il me semblait tout de même la chose la plus rassurante dans ce monde.
Nous avancions ici, et cela depuis une bonne heure. Nous marchâmes, pas spécialement rapidement, mais pas non plus lentement. Disons ... Prudemment. Je sentais la fatigue me gagner petit à petit, et de plus, la douleur commençait à revenir à mon bras droit.
Le silence me rappela à ma condition. Je me sentais si seule ... J'avais tellement envie de partager ce qu'il m'arrivait ... Mais je n'osai pas lui parler. Il m'avait demandé de me taire, alors je me taisais. Je me sentais si démunie que j'étais prête à faire tout ce qu'il me dira. Je laissai mes jambes avancer seules; le mouvement répétitif de la marche n'avait pas besoin de mon mental. Mais puisque mon mental n'était plus occupé, il se livra à toute sorte de pensées mélancoliques. Je me rappelai de chez moi ; ma petite maison ... Mes jolis meubles ... Ma ville, si colorée, si resplendissante. Et ma vie, si comblée, si lumineuse, si ... Fausse. Ça y est, ma gorge se serra à nouveau. Il ne fallait pas que j'y pense. Mais je me sentais tellement ... Trahie. Et c'était si dur de se relever. J'avais ... Tellement envie de rentrer me coucher dans mon bon lit. De me réveiller, de prendre mon petit déjeuner; un jus de fruit, un pain au chocolat acheté dans la petite boulangerie d'en face. Sortir courir, au milieu des arbres fleuris. Mais plus jamais ça n'arrivera. En fait, tout ça n'était jamais arrivé. Si je comptais vivre, il fallait que je m'y fasse. Je sentis les larmes me monter aux yeux. Je me sentais toute petite, sans aucune expérience, tellement vulnérable. Et c'est ce que j'étais. Et j'étais seule. C'est si dur d'être seule. La personne qui se trouvait à ma gauche était si étrange, il était peu probable qu'il comprenne la détresse dans laquelle je me trouvais. Mais j'avais ... Tellement besoin de réconfort, ne serait-ce qu'un peu ... Alors, comme une petite fille, je fis glisser ma main dans la sienne. Elle était glacée. Je me mis à sangloter, le plus silencieusement que je le pouvais. Je ne voulais pas déranger. Ainsi, je le laissais me guider à travers les couloirs interminables des égouts.
VOUS LISEZ
Light Out
Science FictionJe ne peux plus me figurer combien de temps j'ai marché dans ces terres mornes et désolées. Les derniers êtres vivants sont enfermés dans les villes. Je ne sais pas ce qu'ils voient à travers leurs appareils, mais j'espère pour eux que c'est un mond...