Light Out

XXXII.2

        Il me demandait ce qu'il se passait ? Eh bien, voilà : j'étais morte à l'intérieur, on venait de me tuer. Ou plutôt, je venais de me suicider. Ou alors, j'agonisais lentement pendant que je réalisais ce que je venais de faire. Mes larmes coulaient à flot, et j'avais mal à la main tant je serrais fort celle d'Avril. J'étais pitoyable. J'avais masqué mes yeux de ma main inoccupée, comme pour ne pas qu'il remarque à quel point j'étais déchirée. C'était stupide ; je pleurais si bruyamment que même le ciel pouvait reconnaître ma détresse. J'allais lui briser la main, si je continuais ainsi, pourtant, il ne la retira pas ; peut-être était-ce justement parce-que je la serrais trop fort. Il me regardait, il se demandait ce qui n'allait pas chez moi. Moi aussi je me le demandais. Mais moi, je ne pouvais pas le regarder. C'était ... Pour lui que j'avais fait ça. Juste pour lui ? Comment avais-je fait ...? C'était absurde ! Tellement absurde ! J'étais folle !

J'allais exploser. Je sentis ma tête bouillonner tandis que je m'écartai soudainement, le lâchai, tout en prenant le soin de ne pas croiser son regard. Je me précipitai contre un tas d'ordure qui se trouvait à proximité de l'étrange décharge où nous nous trouvions. Je concentrai toute ma force dans ma jambe, et envoyai un énorme coup de pied dans la ferraille. La pile s'effondra dans un fracas épouvantable. Je recommençai. Encore. Je frappai tout ce qui se trouvait sur mon chemin.

Qu'avais-je fait ? Je n'en revenais pas. Comment avais-je pu faire une chose pareille ? J'avais réellement ... Tout quitté ? J'étais vraiment partie ? Comment ... Me retrouver de nouveau ici ! J'avais laissé ... J'avais laissé mes amis ! Ma maison ! J'avais laissé une vie sans pareille ... Comment avais-je pu ! Tout ça pour ... Avril ? J'étais folle ! Complètement fêlée ! Ce garçon était réellement relié à la tour ! Et moi, et moi qu'est-ce que je faisais en ce moment ? Je le protégeais ? Je lui avais même permis de sortir de la surveillance des humains ! Comment avais-je pu ... De quel côté étais-je enfin de compte ? Moi qui voulais me battre pour l'humanité, je me retrouvais du coté inverse ! C'était vraiment jusque là que j'étais capable d'aller pour Avril ? C'était absurde ... Avril était la cause de tout ... Voilà pourquoi il pouvait passer partout ; dans les villes, dans les usines, et pouvait même repousser les machines. Elles ne l'attaquaient pas parce-qu'elles avaient besoin de lui. J'étais du côté des machines. J'étais du côté des machines ! Rien que d'y penser, je redoublais d'effort pour massacrer les dernières piles de ferraille encore debout, alors que je perdais mon souffle. Je rejetais ma rage contre elles, car j'avais peur de ce que j'étais capable de faire si je me rendais compte que tuer Avril était certainement le choix le plus logique.

Soudain, je m'arrêtai.

J'essayais de calmer mon souffle. J'étais immobile, comme pour mieux m'entendre penser. Si je le faisais ... Les machines s'effondreraient-elles ? Les humains seraient-ils libérés ? Elle était là, la clé ... Je l'avais tant attendue ... Elle était derrière moi, et elle ne se méfiait même pas de moi ... A ce moment, j'avais si peu à faire pour sauver l'humanité ....

Pourtant, je n'arrivais simplement pas à m'imaginer faire ça ! Pourquoi ?? Cette chose était une des pires qui existaient sur Terre ! Mais je n'étais pas assez forte pour le faire ! Je secouais ma tête, comme pour remettre mon cerveau en place. Peut-être aurait-il mieux fallu que je me tue afin de laisser cette lourde tache à quelqu'un d'autre. Pourtant, j'avais fait le choix de rester auprès de lui. J'avais fait le mauvais choix, c'était clair et net. Depuis combien de temps les humains le cherchaient-ils ? Ils l'avaient enfin, et moi, j'étais intervenue ... Je l'avais enlevé. J'étais dingue ! Égoïste ! Tellement égoïste ! Je venais de priver l'humanité de son avenir ! J'avais fait le mauvais choix ... Je pouvais encore changer, seulement ...