1. Katarina

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Juin 2017

— Katarina Grangé, tu es une femme morte ! hurle ma colocataire depuis le salon.

Je grogne et plonge la tête sous mon oreiller, espérant ainsi étouffer un peu la voix stridente de Pétronille.

— Katarina ! insiste cette furie en déboulant comme un char d'assaut dans ma petite chambre.

Je soupire profondément avant de me décider à affronter la colère d'une femme qui a vu la totalité de ses sous-vêtements passer de l'immaculé au rose poudré, mais plus dans le genre dégueulasse que délicat. Car oui, Seigneur, j'ai péché ! Il me fallait absolument laver un des hauts carmin que je dois porter pour le boulot. J'ai pourtant adressé une sorte de prière à Dieu, lui demandant de veiller à ce que mon bout de tissu ne dégorge pas. Hélas, je n'ai pas été entendue ! Peut-être parce qu'au fond, une petite partie de moi souhaitait commettre l'irréparable...

— Le rose est à la mode, cet été. Bientôt, tu me remercieras, lancé-je à ma coloc en guise d'excuses.

— Tu as envie de me voir faire une crise d'hystérie, c'est ça ?

Son visage est aussi rouge que le séant d'Anastasia Steel après que Grey lui a mis la fessée. Elle a sacrifié son carré parfait pour nouer ses cheveux sur le sommet de son crâne en un chignon approximatif, et ses mains sont posées sur ses hanches. Si je ne la connaissais pas, je pourrais presque la trouver flippante.

— OK, prends ma carte et rachète-toi des slips... lâché-je en désignant mon sac d'un geste las.

Il se pourrait que je m'en veuille un peu. Ou que je ne sois pas préparée à une beuglante matinale. Même si ce n'est pas la joie sur mon compte en banque, la paix n'a pas de prix.

— Tu as flingué tous les vêtements qu'il y avait dans la machine ! Là, tu vois, j'ai envie de pleurer, de crier et de commettre un meurtre !

— Je suis désolée, Pét.

Elle grogne, car elle déteste ce diminutif ridicule. De son côté, elle m'appelle Kata, ce qui ne me plaît pas des masses non plus.

Ma coloc s'apprête à quitter la pièce, mais se ravise et se tourne vers moi.

— Au fait, Johan va passer plusieurs semaines ici. Il arrive ce soir. Il a enfin accepté de s'éloigner quelque temps de Paris, et je l'ai convaincu de venir me rejoindre à Nice... Il est un peu perdu en ce moment, tu comprends.

Johan est le petit frère de Pétronille. Il doit avoir dans les vingt et un ans, soit trois années de moins que ma colocataire et moi.

— OK, me contenté-je de répondre.

Elle me fixe de ses yeux noirs, et j'en déduis qu'elle n'a pas terminé.

— Pas touche, Kata, je te préviens ! Pas avec mon frère !

Elle est vraiment en train d'insinuer que je suis une croqueuse d'hommes ?

— Pourquoi tu me dis ça ? m'enquiers-je, blasée.

— Parce tu es à peu près célibataire, si on enlève Frédéric. Et franchement, je suis certaine que Johan a tous les critères pour t'intriguer, sauf qu'il n'est pas... disposé à souffrir. Donc je préfère mettre les choses au clair avant qu'il ne soit trop tard.

— D'accord, d'accord. Seulement, au risque de te décevoir, je ne saute pas sur tout ce qui bouge ! Et honnêtement, ton frangin ne m'intéresse pas le moins du monde.

Sérieusement, jamais je ne sortirais avec un beauf qui a fait de la télé-réalité ! Car oui, elle m'a assez répété que son triste naufragé a remporté la finale d'une célèbre émission, en septembre dernier. Personnellement, je ne regarde pas ce genre de programmes, mais il en faut pour tous les goûts. D'ailleurs, je n'ai même pas eu la curiosité de taper son nom sur Internet pour voir à quoi il ressemblait. C'est dire.

DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant