DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )

3. Katarina

— Qu'est-ce qui t'arrive, Kat ? T'es toute pâle, me lance Maxime, sourcils froncés.

— Je ne suis pas toute pâle ! Et rien, ça va ! Je me suis juste pointée à la table de la star de la télé avec ma robe coincée dans mon tanga, et ensuite, un mec m'a bousculée. J'ai perdu la moitié de mon verre.

— Je comprends ta détresse. Moi aussi, je serais bouleversé si j'avais perdu la moitié de ma boisson. Bon alors, à quoi ressemble la vedette du petit écran ?

— Il n'est pas dégueu.

— Logique : sa sœur est plus que vaginalement motocultable.

Les expressions de Maxime ont toujours quelque chose de très sophistiqué.

— Et sinon, il a l'air sympa ?

— Autant que peut l'être un type avec une estime de soi de la taille de la Russie.

— Dans quoi tu t'es encore embarquée, Kat ?

— Je te rappelle que si j'en suis là aujourd'hui, c'est en partie parce que je t'ai rendu service.

— Ouais, je ne l'ai pas oublié. D'ailleurs, il serait peut-être temps que j'intervienne...

— Non, laisse. Elle semble moins déprimée depuis peu, alors...

— Ton empathie te perdra.

— Il y a des chances...

Cette même empathie m'a déjà beaucoup coûté, lorsque je suis tombée follement amoureuse de Grégoire Garnier. Je venais d'avoir dix-huit ans à l'époque et n'avais connu que deux courtes histoires dont aucune n'avait duré plus de cinq mois.

Grégoire était hypnotique, solaire... absolu. Je ne voyais que lui, ne vivais plus que pour lui. Sans doute parce qu'avant même qu'il ne se livre, j'avais discerné en lui toute la douleur qu'il étouffait derrière son arrogance et ses jeux cruels. Derrière son besoin de faire payer les autres.

Et je n'ai pas été épargnée.

Il m'a blessée au plus profond de mon âme. Peut-être parce qu'inconsciemment, je voulais être celle qui le sauverait. Quelle présomption ! La réalité m'a très vite rattrapée.

J'ai été trompée à de nombreuses reprises, et pour couronner le tout, cet enfoiré se dispensait parfois d'utiliser des préservatifs. Il a quand même eu la « gentillesse » de me l'avouer lorsque, longtemps après l'avoir soupçonné sans vouloir y croire, j'ai vraiment découvert l'envers du décor. Je me suis donc empressée de réaliser tous les tests possibles et imaginables, car moi, bien sûr, j'avais coché la case confiance après six mois de relation et nous avions cessé de nous protéger. Une erreur de plus à mon compteur. Fort heureusement pour moi, j'ai eu de la chance et n'ai attrapé aucune MST.

— Ça y est, je l'ai perdue ! grommelle Maxime en agitant sa main devant mes yeux.

— Je repensais à Grégoire.

— Ce connard...

— Ouais.

— Laisse ce pauvre type où il est. Il ne mérite même pas que tu lui accordes une seconde de ton temps.

— Je sais.

*

Deux heures plus tard, fatiguée, je choisis de rentrer tandis que Maxime, lui, décide de se mettre en quête de celle qui voudra bien passer la nuit en sa compagnie.

Alors que je m'apprête à sortir du bar, Pétro me hèle :

— Kata, tu t'en vas ?

— Ouais.