23. Katarina

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*

Alors, comment vas-tu t'en sortir, Katarina? Ce coup-là, tu ne l'avais pas vu venir, hein ? Je le lis dans tes jolis yeux apeurés.

La partie a repris, que tu le veuilles ou non. J'ai hâte de découvrir quelle sera ta réponse, puisque tu as choisi de me défier et de te hisser au rang d'adversaire, toi, simple créature. Ma création.

Tu veux jouer, jouons.

Quand je pense à tes débuts... Tu étais si faible ! Insignifiante, à l'instar de cette petite idiote de Pétronille. Tu sais, chaque jour, je l'observe, fasciné, qui évolue dans ce bocal où je l'ai enfermée, inconsciente d'y être prisonnière. Petit insecte misérable ne méritant même pas de vivre et qui finira épinglé.

Toi, tu as voulu changer le cours de ton destin, tu as voulu dépasser ton maître. Mais tu es en perdition désormais. Incapable de m'échapper. Mon ombre plane sur ton cœur, et c'est moi qui ai posé le collet dans lequel tu seras inévitablement piégée.

Bientôt, je ferai chanter les cors... et à la toute fin, je sonnerai l'hallali en l'honneur de ta défaite.

*

— Quoi ? répète plus fermement Pétronille.

Un silence de mort s'est abattu sur la pièce, même Gips n'aboie plus.

Nous nous dévisageons tous les quatre à tour de rôle.

Grégoire m'observe avec un détachement de façade. Si maître de ses émotions. Pourtant je sais, au fond de lui, la jouissance qu'il éprouve face à mon accablement. Johan, lui, me toise de tout son mépris, et Pétro me supplie de démentir de ses yeux pleins de larmes.

Mais à quoi bon ? Il s'agit de l'entière vérité et je ne peux lui affirmer le contraire dans le seul but d'apaiser ses tourments. Ce serait malhonnête, et je l'ai déjà suffisamment été.

J'aurais dû lui faire part de ma relation passée avec Grégoire depuis le début. Dès la première fois où j'ai percuté le corps de cet abruti dans le couloir de mon appartement.

Je m'étais dit alors qu'il avait sans doute changé avec l'âge, mûri, et donc qu'il serait sérieux avec ma coloc.

Plusieurs années se sont écoulées depuis notre histoire, et il suffit parfois de quelques mois pour passer du stade de jeune adulte insouciant à celui de jeune adulte réfléchi.

Il y avait de cela, oui, mais également beaucoup de lâcheté de ma part.

Par peur d'aller au-devant des conflits. Par confort aussi, pour rester à l'écart de la vie sentimentale de Pétronille.

— Je vais t'expliquer, déclaré-je prudemment à ma coloc.

Cette dernière, les mains levées devant elle, me défend de poursuivre par ce simple geste, refusant d'en entendre davantage.

— Pourquoi tu ne l'as pas dit à ma sœur dès le début ? s'enquiert Johan d'un ton froid.

Il dévisage Grégoire avec un mélange de fureur et de mépris. En ce qui me concerne, il a choisi de m'ignorer. Je ne parviens plus à capter ses yeux d'ambre, même si je garde les pupilles rivées sur lui pour l'inciter à tourner la tête vers moi.

— Katarina m'a interdit d'en parler, ment mon ex avec aplomb.

— Mais qu'est-ce que tu racontes ?

Je n'arrive pas à le croire ! Ce mec va me rendre dingue ! Il a réussi à entrer à nouveau dans ma vie par le pire des hasards, alors que je ne l'avais pas revu depuis quatre ans, et il s'apprête à y semer le chaos. Juste comme ça, par simple plaisir.

DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant