Je n'ai pas la force de l'épargner, d'arrondir les angles pour que la vérité soit plus facile à encaisser. Johan doit savoir de quoi sa sœur est capable. J'ignore si elle s'en est prise à moi sous la contrainte, si Grégoire l'a influencée ou si elle a agi de son propre chef. Peu importe, ça n'effacera pas la brutalité de ses actes.
— Pétronille m'a tendu un piège. Elle m'a attirée dans le cimetière où repose Leslie puis elle m'a droguée. Elle a poussé le vice jusqu'à faire semblant de boire à la bouteille dans laquelle elle avait versé la drogue pour me mettre en confiance, et j'ai eu la naïveté de ne pas me méfier. Au début, j'ai eu une sensation de bien-être, comme sous l'effet d'une légère ivresse. Ce n'est que lorsque nous avons rejoint nos voitures que j'ai commencé à me sentir mal.
— Elle t'a droguée, répète Johan, abasourdi.
— Oui.
Ses phalanges se crispent sur le bord du lavabo, à tel point qu'elles blanchissent. À travers le reflet du miroir, j'aperçois ses iris brûlants de fureur.
— Continue.
— Ensuite, ta sœur m'a poussée dans sa voiture, j'étais trop confuse pour penser à me défendre. Je ne saurais te dire combien de temps je suis restée dans cet état. C'est quand Pétronille m'a tirée hors de son véhicule, devant mon ancien collège d'Antibes, que j'ai commencé à retrouver ma lucidité. J'étais épuisée et je traînais les pieds. Mon esprit était toujours embrumé, j'avais mal à la tête et je me sentais nauséeuse. Alors, elle m'a bousculée de façon à ce que je tombe contre le portail. Celui où j'ai été attachée avec Leslie, il y a neuf ans. Elle a lié mes poignets aux barreaux, découpé mon T-shirt et mon soutien-gorge...
L'expression horrifiée de Johan me fait mal au cœur. Je comprends qu'il est déchiré entre l'amour qu'il porte à sa sœur, sa répulsion pour ses actes odieux et ses sentiments pour moi. Et pourtant, je continue de tourner la lame que je viens d'enfoncer dans sa poitrine. Il doit connaître la vérité.
— Tu sais comment elle s'est justifiée quand je lui ai demandé pourquoi elle me faisait cela ? Elle a dit que Grégoire devait voir de quoi elle est capable. Que tout le monde avait tendance à la sous-estimer.
Je marque une pause, espérant une réaction de la part de Johan. Mais il reste silencieux, plongé dans la tourmente. Alors je poursuis mon impitoyable torture.
— Grégoire lui a vanté l'amour qu'il prétend ressentir pour moi. Il s'est amusé à lui monter la tête, à attiser sa jalousie en lui répétant combien il m'aime toujours. Il a soigneusement préparé une bombe qu'il a ensuite jetée... et il l'a regardée exploser.
Un long silence me répond, puis Johan reporte son attention sur moi à travers le miroir.
— Il a gagné, murmure-t-il.
Il se retourne pour m'observer. Des larmes brouillent ses yeux d'or. J'en ai mal jusqu'à l'âme.
— Je ne veux pas que ma sœur aille en prison, Kat. Mais je n'essaierai jamais de t'empêcher de l'y envoyer.
— Pétronille a besoin d'être soignée. Je suis prête à ne pas porter plainte contre elle si elle intègre un centre psychiatrique.
— Elle n'acceptera jamais.
— À elle de choisir entre l'hôpital ou le pénitencier.
Johan soupire profondément avant de passer ses mains sur son visage.
— Qu'est-ce que tu vas faire pour l'autre enfoiré ? s'enquiert-il d'une voix blanche.
— Rien.
L'homme que j'aime me fixe sans comprendre, sourcils froncés. Il secoue la tête et lâche un rire désabusé.
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DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )
عاطفيةLorsque Johan et Katarina se rencontrent, ils éprouvent aussitôt un profond mépris l'un envers l'autre, chacun étant campé sur ses préjugés. Forcés de cohabiter durant quelques semaines, ils vont peu à peu découvrir que derrière la colère et l'arro...