La nuit a fini par tomber. Il fait sombre entre les murs de mon appartement. Je ne me suis plus levée de la journée après avoir compris que Johan était définitivement parti. Quand je suis arrivée dans le salon, le dernier sac qu'il avait laissé n'était plus là. C'est sans doute stupide, mais ça m'a crevé le cœur.
À présent, je suis allongée sur le flanc, en position fœtale. Les yeux rivés sur les vitres noires, j'essaie de trouver en moi la force de ne pas pleurer. Les événements se sont enchaînés à une vitesse folle et ils m'ont vidée de toute substance.
Gipsy bouge dans mon dos, se lovant encore plus près. Mila, quant à elle, ronronne sur l'oreiller. À elles deux, elles m'apportent juste assez de réconfort pour ne pas sombrer.
Porto Vecchio, de Julien Doré est en train de passer à la radio. La mélodie et les paroles de la chanson correspondent parfaitement à mon humeur du moment.
« Tu m'as lâché la main sur le Porto Vecchio,
J'ai souri au venin qui me brûlait le dos. »
Il m'a quittée. Johan m'a quittée.
Je m'y attendais... mais je ne m'attendais pas à ce que cela fasse aussi mal. J'ai l'impression d'avoir un vide immense dans le ventre. Le seul fait d'imaginer les prochains jours m'angoisse. Je ne parviens pas à me projeter sans lui, ce qui est stupide dans le fond, puisque je ne le connaissais pas depuis très longtemps. Qu'est-ce que cela change pourtant ? Je me suis quand même attachée à cet homme. Pire que ça, j'en suis tombée amoureuse.
Et il est parti.
Je n'arrive pas à savoir si je suis en colère contre lui ou si, au contraire, je l'admire. J'ai bien compris qu'il avait honte de la situation. Honte qu'un membre de sa famille ait été capable d'une telle folie. C'est légitime. En revanche, je regrette qu'il se soit enfui comme un voleur dans la nuit. Sans un mot. Sans un bruit.
Un sentiment d'injustice me tord les tripes, et cependant, en me taisant, je le cautionne. Grégoire a quitté Nice et mènera une existence paisible ailleurs, Pétronille fera peut-être un tour en HP puis reprendra le cours de sa vie, comme si de rien n'était. Comme s'ils ne m'avaient pas rabaissée plus bas que terre. Je devrais porter plainte contre eux afin de les punir, les poursuivre, et qu'ils payent tous les deux pour leurs actes. Je le sais. Mais je sais aussi qu'une procédure est éprouvante et que la justice ne condamne pas toujours les coupables. Loin de là. J'en ai connu l'amère expérience. Alors je préfère me contenter de les rayer de ma vie.
Il me faudra un peu de temps, mais je vais me relever, j'y arrive toujours. Car je suis forte malgré mes faiblesses. Et il est hors de question que je me morfonde pendant des mois à cause d'un ex manipulateur et d'une ancienne colocataire qui a pété les plombs. Pas même pour Johan, bien que je l'aime, bien que je ne lui ferme pas la porte.
J'ai lu quelque part que si l'on attendait que les autres fassent notre bonheur, on ne parviendrait jamais à être heureux. En cet instant, il me semble qu'il n'y a rien de plus vrai. Je suis la seule à pouvoir remonter la pente, passer au-dessus de mes difficultés et surmonter ma peine. Personne ne se chargera à ma place d'aller de l'avant.
Et je veux sourire. Encore, toujours. À jamais. Faire en sorte que mon existence soit belle, aussi lumineuse qu'un soleil d'été, paisible comme le doux murmure d'un ruisseau un matin d'automne. Qu'elle ait le parfum du lilas au printemps et me surprenne, à l'instar des premiers flocons de l'hiver.
Je veux vivre. Je veux vivre les joies et les peines, l'amitié et la solitude, l'amour et la haine. Je veux rire à en avoir mal au ventre, pleurer à m'en brûler les yeux, danser à n'en plus pouvoir, chanter à m'en casser la voix. Je veux continuer de porter ma meilleure amie dans mon cœur, d'aimer Mila et Gipsy comme mes gosses, passer davantage de temps avec mes parents, mon frère et mes amis, et veiller à m'épanouir un peu plus chaque jour.
« Vouloir, c'est pouvoir ; oser, c'est avoir. »
Et j'oserai.
Mais pour l'heure, je m'autorise un passage à vide. Juste aujourd'hui.
Concernant Thomas, je trouverai une excuse pour justifier mon absence. Mon portable est éteint, pourtant je me doute qu'elle a déjà essayé de m'appeler un bon nombre de fois. J'aurais dû lui téléphoner ce matin et lui dire que j'étais malade ou quelque chose qui y ressemble. J'aviserai demain ; là, je n'ai pas envie de réfléchir.
À la place, je ferme les yeux et m'étreins de toutes mes forces en imaginant que mes bras enserrés autour de mon corps sont ceux de Johan. Son odeur traîne encore sur les draps, il ne manque que la chaleur de sa peau, le murmure de sa respiration et les battements de son cœur. J'ignore si cette séparation est temporaire ou s'il a signé la fin de notre histoire. Alors juste pour alléger ce poids sur ma poitrine, en silence, je m'autorise à verser quelques larmes.
Citation de Alfred de Musset
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DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )
RomanceLorsque Johan et Katarina se rencontrent, ils éprouvent aussitôt un profond mépris l'un envers l'autre, chacun étant campé sur ses préjugés. Forcés de cohabiter durant quelques semaines, ils vont peu à peu découvrir que derrière la colère et l'arro...