47. Katarina

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Assise à la terrasse d'un bar-restaurant, je déjeune en compagnie de Soline et Camille. Le manque de sommeil dû à l'inquiétude me rend bougonne. Mes amies discutent entre elles, et moi, je suis murée dans mon silence, l'esprit totalement accaparé par Johan. Je ne sais pas comment lui parler. Pourtant, certains sujets doivent être évoqués à présent. Alors je me torture le cerveau à chercher des solutions, mais aucune ne me convient.

— Ça fait combien de temps que t'es célibataire ? s'enquiert Camille en fixant Soline.

— Longtemps ! élude ma collègue dans un soupir.

— C'est voulu ?

Je reporte mon attention sur le contenu de mon assiette. Mon estomac est si noué que j'ai du mal à manger, mais j'ai été élevée dans l'idée qu'on ne gâche pas la nourriture, donc je finirai mon repas.

— Non, pas tellement, à vrai dire...

Un léger silence ponctue sa réponse. Je perçois le bruit des couverts que l'on remue, comme pour atténuer un blanc.

— Tu as l'air timide, c'est peut-être ça, reprend la jeune femme aux cheveux arc-en-ciel. Tu en penses quoi, Kat ?

— Sans doute, approuvé-je distraitement.

Mon téléphone se met à vibrer. Je consulte l'écran et découvre un message de Maxime :

« T'es où ? »

Je pianote rapidement ma réponse en donnant le nom du bar, puis renvoie, dans un second texto :

« Pourquoi ? »

— Il fallait le dire plus tôt ! Pourquoi tu nous le cachais ?

— Je ne suis pas hyper à l'aise avec ça.

— Je vais te faire une confidence...

« Pétronille vient de m'appeler,

elle était en pleine crise de nerfs,

on aurait dit une folle furieuse !

Elle te cherche !

Je l'ai vue hier, je te raconterai.»

« Elle me l'a dit, je l'ai vue hier aussi.

Qu'est-ce qu'elle veut aujourd'hui ? »

— Ah oui ? bredouille Soline.

Je lève la tête de mon téléphone et découvre qu'elle est rouge comme une pivoine. J'ai dû louper un truc. Mes deux collègues s'observent d'un drôle d'air.

— Désolée, les filles, je n'ai pas suivi, lâché-je d'un ton distrait. Vous disiez ?

Au même moment, je reçois un nouveau SMS de Maxime.

« Elle a rien voulu me dire. »

Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi Pétronille ne m'a pas appelée, moi. Je décide de lui envoyer un texto et lui demande ce qu'elle me veut en lui donnant au passage le lieu où je me trouve, au cas où elle tiendrait à discuter de vive voix.

—... lesbiennes, Katarina, est en train de terminer Camille.

Je leur prête toujours une oreille distraite, mais prends tout de même la peine de répondre :

— Non, je ne suis pas lesbienne, mais si je l'étais, ça ferait quoi ?

Les pupilles rivées sur mon écran, j'attends qu'il s'illumine. Qu'est-ce qu'elle me veut encore, Pétro ?

— Non, mais tu nous écoutes quand on te parle ou tu préfères la compagnie de ton téléphone ? s'énerve Camille.

Je lève le nez de mon portable et soupire en me frottant les yeux. Je suis tellement crevée que je prends seulement conscience de mon impolitesse.

DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant