Je me tiens dans la fan-zone de Nice avec Katarina, Maxime, Camille, Soline et ma sœur pour soutenir l'équipe de France. Les Bleus disputent aujourd'hui la finale de la Coupe du monde 2018 en Russie, face à la Croatie, dans le stade Loujniki de Moscou.
Ça me paraît incroyable que, presque un an après s'en être prise à Kat, Pétronille soit là, avec nous, à attendre le début du match. Et ce n'est même pas de mon fait. Cette décision vient de la femme que j'aime. De mon côté, je m'étais résolu à tenir mon couple éloigné de ma famille et à bien séparer les deux, mais Katarina a estimé, encore une fois, qu'on devait aller de l'avant.
Pétronille sort à peine d'une seconde dépression. Que Kat l'ait invitée à passer quelques jours chez nous me touche beaucoup. Elle a compris combien c'était important pour moi sans que j'aie eu besoin de le lui dire. Désormais, ma sœur vit chez ma mère et n'a plus aucune vie sociale. Elle occupe son temps seule, enfermée dans la grande maison de Dracy, et j'ai peur qu'elle ne commette à nouveau le pire. La savoir à l'appartement depuis hier soir me rassure. J'ai également été surpris que Katarina se comporte comme si rien ne s'était passé entre elles l'année dernière, bien qu'elle ne lui ait pas pardonné son geste, évidemment. Ma copine a vraiment une force de caractère qui me dépasse.
Me concernant, j'ai décidé de prendre ma vie professionnelle en main. Avant de participer à l'émission de télé-réalité, j'étais un peu paumé de ce côté-là, et je me rends compte que je le suis encore aujourd'hui : je n'ai aucune idée du métier auquel je veux consacrer une partie de mon existence. Depuis juin, j'enchaîne les missions d'intérim en tout genre, mais je ressens le besoin de « trouver ma voie ». C'est pourquoi je vais bientôt faire un bilan de compétences afin d'essayer de cibler ce qui pourrait me plaire et voir dans quel domaine je pourrais me former.
Cet hiver, je suis passé par une sale période. Après avoir retrouvé Katarina, j'ai connu quelques brèves semaines d'amélioration avant de replonger plus profondément dans ma folie. Le monstre tapi en moi m'a submergé, je me suis à peine reconnu. J'étais tellement obsédé par mes troubles alimentaires que je suis devenu invivable. La faim, la perte de contrôle, les chiffres de la balance qui ne descendaient plus et les voix des sirènes m'ont rendu irritable, colérique et déprimé. Je n'éprouvais plus aucun désir pour quoi que ce soit. En moi, il n'y avait qu'un vide immense et une insatisfaction permanente.
J'avais toujours froid, pourtant je continuais de prendre des douches glaciales, j'étais constamment fatigué, et très vite, je n'ai plus eu la force d'aller courir. Ensuite, mes cheveux ont commencé à tomber, j'ai perdu deux molaires... Mes bilans sanguins étaient mauvais, j'étais carencé et j'avais une insuffisance rénale. Il n'y avait plus de place pour la joie, l'humour, l'amour. J'étais habité par le vide. Un vide sidéral, seulement comblé par l'obsédante litanie des sirènes.
Katarina essayait de m'aider, bien sûr, mais plus elle s'y efforçait, plus je la rejetais et plus j'avais l'impression d'étouffer. J'ai pensé à la quitter pour me libérer du poids de sa présence, pour pouvoir céder totalement à mes propres injonctions. J'étais même convaincu que je ne l'aimais plus...
Puis il y a eu ce jour où j'ai dû aller à l'hôpital. Un de mes reins me lâchait, j'avais des œdèmes partout et des douleurs de dingue dans les jambes. Après que l'endocrinologue m'a déclaré qu'à ce stade, j'allais bientôt devoir choisir entre la vie et la mort, un silence affreux s'est abattu dans la chambre. Juste avant de quitter la pièce, Kat m'a regardé comme j'ai toujours redouté qu'elle me regarde. Avec de la pitié et du désespoir dans les yeux. Cette pitié que je n'aurais jamais voulu la voir éprouver pour moi. La foi qui brillait à l'intérieur de ses prunelles quand je suis sorti de ma consultation chez le docteur Pernet avait disparu. Elle n'y croyait plus, j'avais anéanti tous ses espoirs. Ça m'a rendu fou. Dans le même instant, comme si on m'avait giflé, j'ai pris conscience du calvaire que je lui faisais endurer depuis des semaines. Des cernes assombrissaient son regard, ses traits étaient tirés par la fatigue et elle avait un peu maigri elle aussi.
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DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )
RomanceLorsque Johan et Katarina se rencontrent, ils éprouvent aussitôt un profond mépris l'un envers l'autre, chacun étant campé sur ses préjugés. Forcés de cohabiter durant quelques semaines, ils vont peu à peu découvrir que derrière la colère et l'arro...