DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )

19. Katarina

Allongée sur les inconfortables galets de la plage, je laisse le soleil me sécher. Je pourrais passer ma vie étalée sur une serviette à ne rien faire d'autre que savourer la chaleur des rayons sur mon corps. Même les pierres qui me talent la peau ne parviennent pas à gâcher mon bien-être.

Mes paupières s'alourdissent lentement, me plongeant peu à peu dans un état de somnolence.

Jusqu'à ce que...

— Putain ! m'écrié-je en me redressant d'un coup.

On vient de jeter de l'eau froide sur mon dos brûlant. La sensation, déjà très désagréable, l'est davantage quand on s'apprête à s'endormir.

Je me retourne pour engueuler Maxime, mais tombe nez à nez avec Grégoire. Qu'est-ce qu'il me veut encore, ce con ?

— Katarina, murmure-t-il en me souriant.

— Quoi ?

— J'aime voir les gouttes d'eau sur ta peau dorée, c'est tellement...

— Arrête ça, le coupé-je, blasée par sa lourdeur.

Il m'a déjà sorti des inepties pareilles tout à l'heure, juste avant l'arrivée de Maxime.

— Ne sois pas agressive, chérie, et cesse de me bouder. La rancune enlaidit les femmes.

Décidant de ne pas poursuivre cette conversation inutile, je me rallonge et détourne le visage, de façon à ce qu'il ne puisse plus m'observer.

— Allez, Kat, arrête de faire la gueule, t'es moche quand tu tires la tronche...

L'envie de l'envoyer balader me traverse très fortement l'esprit, mais ce serait dépenser trop d'énergie pour rien.

Alors que je m'abandonne à nouveau, je sens des doigts frais glisser le long de mon échine, l'effleurant à peine, et malgré moi, je tressaille. Je n'arrive pas à croire qu'il se permette de tels gestes en présence de Pétronille !

— Tu vas me lâcher, bordel ! grondé-je en me redressant vivement pour le regarder. Tu joues à quoi ?

Voilà, il a réussi son coup, je suis énervée à présent.

Lui semble ravi, un sourire narquois étire ses lèvres, révélant ses dents blanches.

— Moi ? Jouer ? Ce n'est absolument pas mon genre, tu le sais bien.

Plus je le vois, plus j'ai envie de le frapper. Son charme naturel ne se dissipe pas pour autant, il arrive à mettre mes nerfs à rude épreuve sans m'inspirer de dégoût, et je dois admettre que c'est un véritable tour de force.

Peut-être parce qu'en brisant mon cœur et ma confiance, il a gagné une sorte de pouvoir sur moi. Au point que, des années plus tard, en revenant brutalement dans ma vie, il parvient encore à me faire du mal.

Seulement, je ne veux plus souffrir.

À l'époque, lorsque je me suis réfugiée dans les bras de Grégoire, je n'avais toujours pas accepté le décès de Leslie, malgré le temps qui s'était écoulé. Contrairement à ce que je pensais, je n'étais pas morte à l'intérieur, mais anesthésiée. Je lui ai naïvement dévoilé ma douleur, persuadée que j'avais rencontré mon grand amour. J'ignorais alors qu'il se servirait de mes failles comme d'une arme contre moi.

Jamais je ne pourrai oublier qu'il m'a repoussée aux portes du désespoir quand j'étais enfin parvenue à les refermer derrière moi.

Jamais.

— Ça te fait jouir, hein, de manipuler les autres ? lui lancé-je tandis qu'il me fixe avec intérêt.

Ma réflexion semble beaucoup l'amuser.