Allongée sous mes draps, je caresse Mila qui ronronne contre mon cœur. Je me sens mal ce soir, la perspective de faire une pause avec Johan est plus douloureuse que je ne le pensais. J'appréhende sa réaction, et plus encore, j'appréhende de le perdre. Dans ma tête, il n'y a rien de définitif, je dois juste régler certains problèmes seule. Bien évidemment, je ne compte pas lui dire que c'est pour l'épargner.
En revanche, même si après avoir une nouvelle fois écumé Google pour en apprendre plus sur l'anorexie, j'ai senti le désespoir et la peur me ronger en parcourant les articles des psychologues et les témoignages des malades, je me crois capable de le soutenir dans son quotidien dès mon retour, je n'ai pas envie de fuir. Mais voudra-t-il toujours de moi à ses côtés ? Et désira-t-il seulement guérir ? Nous n'avons encore jamais évoqué ce sujet...
Quand j'entends la porte d'entrée s'ouvrir, ma poitrine se comprime. Gipsy bondit aussitôt hors du lit et court vers Johan en aboyant joyeusement.
Sa voix me parvient depuis le salon, il rit et parle à ma chienne, puis ses pas résonnent dans le couloir. Je ferme les yeux, essayant d'imiter la respiration d'un dormeur.
Je n'ai pas le courage de l'affronter ce soir.
— Kat ? s'enquiert-il depuis le seuil de la chambre.
Je ne bouge pas d'un pouce et continue de jouer la comédie. Pourtant, je n'ai qu'une seule envie, me retourner et me couler dans ses bras pour m'enivrer de son odeur.
Johan est en train de retirer son pantalon, je le perçois au frottement du tissu sur sa peau, puis je sens le matelas s'affaisser, et enfin, son corps chaud, toujours couvert d'un T-shirt, se glisse contre le mien. Je ne peux m'empêcher de tressaillir à son contact, ce qui l'encourage à m'enlacer. Le bout de son nez, un peu froid, frôle mon cou, l'angle de ma mâchoire...
Et tout à coup, je suis vivement retournée sur le dos. Mila se hâte de fuir alors que je finis plaquée sous le corps de Johan, totalement à sa merci. Ses doigts enserrent mes avant-bras, qu'il maintient au-dessus de ma tête, et étrangement, pour la première fois, je parviens à tolérer cette emprise.
— Pourquoi tu fais semblant de dormir ? murmure-t-il.
— Où étais-tu ? choisis-je de demander, esquivant sa question.
— Je marchais.
— Tu marchais ?
— J'avais besoin de réfléchir.
— À quoi ?
— À nous.
Mon cœur manque un battement.
Une de ses mains me relâche pour caresser mon visage. Ma tempe, ma joue, la courbe de mes lèvres... Elle se perd entre mes seins, par-dessus l'étoffe soyeuse de ma chemise de nuit, puis sur mon ventre. Mon corps s'anime sous ses doigts, pareil aux cordes d'une harpe qu'on frôle pour les faire vibrer. Et je ne peux que vibrer à leur contact.
— À quelles conclusions es-tu arrivé ? chuchoté-je d'une voix hachée par mon souffle erratique.
— Que je te veux et que je t'aurai... si tu veux bien de moi.
Je me dis que c'est le bon moment pour lui parler, mais je n'ai pas le temps de prononcer le moindre mot ; il se penche déjà sur ma bouche. Il m'embrasse avec cette douceur que j'ai découverte depuis peu et que j'aime tant chez lui. Saisissant contraste avec sa fidèle colère.
Ses lèvres viennent ensuite parcourir ma peau, ses mains me déshabillent, me touchent, me brûlent, enflamment mon corps éveillé par un désir insatiable.
Je ne peux plus ignorer que je suis en train de tomber amoureuse de lui, et je n'ai pas peur, car malgré une part d'incertitude, j'ai foi en lui. En nous.
Peut-être que je me trompe et que je m'apprête à ouvrir une porte donnant directement en enfer. Peut-être qu'il ne patientera pas, et qu'au moment où je reviendrai vers lui, il sera trop tard.
Je ne sais pas.
La seule chose dont je suis sûre, c'est d'être prête à prendre le risque de me casser la gueule. Nous deux, ça m'est tombé dessus sans que j'aie pu le prévoir, sans que je le souhaite, sans que j'y sois préparée.
Je ne clamerai pas qu'il est l'homme de ma vie, celui que j'ai toujours attendu ou n'importe quelle autre de ces phrases toutes faites ; nous nous connaissons depuis trop peu de temps et tout va trop vite. Mais je veux vivre cette histoire. Je le veux plus que tout.
— Kat, c'est à ton tour de ne pas réfléchir aujourd'hui, murmure Johan dans le creux de mon oreille.
— Il faut qu'on parle. Il faut vraiment qu'on parle.
— S'il te plaît, pas ce soir. Demain, on pourra discuter de tout ce dont tu as envie, mais pas maintenant, je n'arrive plus à penser. Je souhaite seulement être avec toi.
— D'accord, cédé-je avec un sourire triste. Alors, débranche-moi, si tu tiens tant à ce que je ne cogite plus.
— J'accepte cette mission.
Je réponds par un rire.
Johan retire son boxer d'un geste rapide, s'empare ensuite d'un préservatif dans ma table de chevet, puis, après l'avoir enfilé, reporte toute son attention sur moi. Mes muscles tremblent d'impatience, la tension que je ressens dans le fond de mon ventre ne cesse de croître.
J'ai tellement envie de lui.
Cette pensée a à peine le temps de se frayer un chemin dans mon esprit que, déjà, je sens l'extrémité de son membre me pénétrer. Quand il s'enfonce tout entier, un gémissement lui échappe, et ce seul son suffit à me griser.
Johan commence à se mouvoir, lentement, délicatement, m'envoyant des décharges électriques dans tout le corps, qui, comme des étoiles sur un ciel noir, viennent crépiter sous mes paupières lorsque je les ferme. Mes ongles se plantent dans la peau de ses fesses pour l'inciter à aller plus vite, plus loin... Jusqu'au moment où je ressens le besoin urgent de prendre le contrôle.
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouve à califourchon sur ses hanches. Dans la lumière rouge émise par les chiffres du radio-réveil, j'entrevois son expression enfiévrée, ses yeux brillants d'envie. Il accepte de me remettre les rênes.
Il ne m'en faut pas plus pour me décider. Je soulève mon bassin afin de replacer son sexe en moi. Regagner la chaleur de mon corps lui arrache une plainte. Johan s'agrippe à ma taille avec une telle force que ses doigts y laisseront sans doute leur empreinte.
Je le vois se crisper alors que je bouge au-dessus de lui, ses traits sont déformés par le plaisir, ses cheveux ébouriffés. Et la vulnérabilité qui transparaît sur son visage n'en finit pas de me bouleverser.
À cet instant, je réalise combien je suis chanceuse d'avoir autorisé cet homme à entrer dans ma vie. Un homme que je pourrais perdre... Avant de gâcher le moment présent, je décide de chasser cette pensée pour me concentrer uniquement sur Johan et ses sensations.
Mes yeux tombent sur son ventre, légèrement dévoilé par son T-shirt qui est remonté. Il est ferme, ses abdominaux sont si ciselés que de profonds sillons en délimitent chaque muscle. Je sens ma poitrine se comprimer en songeant qu'il s'affame, jour après jour, afin d'aller toujours plus loin dans la maigreur. Et cela me procure une douleur sans nom.
— Kat ? s'enquiert Johan, la voix emplie de doutes.
Mon regard plonge alors dans ses iris mordorés, même si dans la pénombre, je ne distingue pas leur couleur.
— Tu es beau...
Je voudrais tant qu'il le comprenne.
Un muscle tressaille sur sa mâchoire, et avant qu'il se mette à trop réfléchir, je me penche vers lui pour l'embrasser.
Nous nous donnons l'un à l'autre, calés sur un même rythme, dans une parfaite symbiose. Comme si nous nous connaissions depuis des années, comme si faire l'amour était aussi évident pour nous que respirer.
Mon cœur pulse alors d'un espoir absolu. Il n'y aura pas de point final à notre histoire. Je le crois.
Et je me dois d'y croire.
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DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )
RomanceLorsque Johan et Katarina se rencontrent, ils éprouvent aussitôt un profond mépris l'un envers l'autre, chacun étant campé sur ses préjugés. Forcés de cohabiter durant quelques semaines, ils vont peu à peu découvrir que derrière la colère et l'arro...